Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/181

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Il accueillit Maria avec un empressement marqué et s’assit auprès d’elle.

Les hommes allumèrent leurs pipes ; l’on causa du temps, de l’état des chemins, des nouvelles du comté ; mais la conversation languissait et chacun semblait attendre. Les regards se tournaient instinctivement vers Lorenzo et les trois Français comme si de leur présence simultanée dussent naturellement jaillir des récits merveilleux, des descriptions de contrées lointaines aux mœurs étranges. Les Français, arrivés dans le pays depuis quelques mois seulement, devaient ressentir une curiosité du même ordre, car ils écoutaient et ne parlaient guère.

Samuel Chapdelaine, qui les rencontrait pour la première fois, se crut autorisé à leur faire subir un interrogatoire, selon la candide coutume canadienne.

— Alors, vous voilà rendus icitte pour travailler la terre. Comment aimez-vous le Canada ?

— C’est un beau pays, neuf, vaste… Il y a bien des mouches en été et les hivers sont pénibles ; mais je suppose que l’on s’y habitue à la longue.

C’était le père qui répondait, et ses deux fils hochaient la tête, les yeux à terre. Leur aspect eût suffi à les différencier des autres habitants du village ; mais dès qu’ils parlaient le fossé semblait s’élargir encore et les paroles qui sor-