Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/183

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garda son voisin Conrad Néron d’un air supérieur, et de défi, qui semblait dire : « Tu ne voulais pas me croire ou bien tu ne sais pas ce que c’est ; mais tu vois… »

— Accordeur de pianos, répéta à son tour Samuel Chapdelaine, pénétrant lentement le sens des mots. Et c’est-il un bon métier, ça ? Gagniez-vous de bonnes gages ? Pas trop bonnes, eh !… Mais de même vous êtes ben instruits, vous et vos garçons ; vous savez lire et écrire, et le calcul, eh ? Et moi qui ne sais seulement pas lire.

— Ni moi ! ajouta promptement Éphrem Surprenant.

Conrad Néron et Égide Racicot firent chorus :

— Ni moi !

— Ni moi !

Et tous se mirent à rire.

Le Français eut un geste vague d’indulgence, impliquant qu’ils pouvaient fort bien s’en passer et qu’à lui cela ne servirait guère, maintenant.

— Alors vous n’étiez pas capables de vivre comme il faut avec vos métiers, là-bas. Oui… À cause, donc, que vous êtes venus par icitte ?

Il demandait cela sans intention d’offense, en toute simplicité, s’étonnant qu’ils eussent abandonné pour le dur travail de la terre des besognes qui lui semblaient si plaisantes et si faciles.