Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/262

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Honfleur, parlait souvent de son fils, qui était chauffeur à bord d’un bateau du golfe, et chaque fois c’étaient encore des noms nouveaux qui venaient s’ajouter aux anciens : les noms de villages de pêcheurs ou de petits ports du Saint-Laurent, dispersés sur les rives entre lesquelles les navires d’autrefois étaient montés bravement vers l’inconnu… Pointe-Mille-Vaches… Les Escoumains… Notre-Dame-du-Portage… les Grandes-Bergeronnes… Gaspé…

Qu’il était plaisant d’entendre prononcer ces noms, lorsqu’on parlait de parents ou d’amis éloignés, ou bien de longs voyages ! Comme ils étaient familiers et fraternels, donnant chaque fois une sensation chaude de parenté, faisant que chacun songeait en les répétant : « Dans tout ce pays-ci nous sommes chez nous… chez nous ! »

Vers l’ouest, dès qu’on sortait de la province, vers le Sud, dès qu’on avait passé la frontière, ce n’était plus partout que des noms anglais, qu’on apprenait à prononcer à la longue et qui finissaient par sembler naturels sans doute ; mais où retrouver la douceur joyeuse des noms français ?

Les mots d’une langue étrangère sonnant sur toutes les lèvres, dans les rues, dans les magasins… De petites filles se prenant par la main