Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/266

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laine dormait toujours, le menton sur sa poitrine, comme un vieil homme que la fatigue d’une longue vie dure aurait tout à coup accablé. Les flammes des deux chandelles fichées dans le chandelier de métal et dans la coupe de verre vacillaient sous la brise tiède, de sorte que des ombres dansaient sur le visage de la morte et que ses lèvres semblaient murmurer des prières ou chuchoter des secrets.

Maria Chapdelaine sortit de son rêve et songea : « Alors je vais rester ici… de même ! » car les voix avaient parlé clairement et elle sentait qu’il fallait obéir. Le souvenir de ses autres devoirs ne vint qu’ensuite, après qu’elle se fut résignée, avec un soupir. Alma-Rose était encore toute petite ; sa mère était morte et il fallait bien qu’il restât une femme à la maison. Mais en vérité c’étaient les voix qui lui avaient enseigné son chemin.

La pluie crépitait sur les bardeaux du toit, et la nature heureuse de voir l’hiver fini envoyait par la fenêtre ouverte de petites bouffées de brise tiède qui semblaient des soupirs d’aise. À travers les heures de la nuit Maria resta immobile, les mains croisées dans son giron, patiente et sans amertume, mais songeant avec un peu de regret pathétique aux merveilles lointaines qu’elle ne connaîtrait jamais et aussi aux souvenirs tristes du pays où il lui était commandé de vivre ; à la flamme chaude qui