Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/34

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longtemps que je ne t’avais vu, François. Et voilà ton père mort, de même. As-tu gardé la terre ?

Le jeune homme ne répondit pas ; il regardait Maria curieusement, et avec un sourire simple, comme s’il attendait qu’elle parlât à son tour.

— Tu te rappelles bien François Paradis, de Mistassini, Maria ? Il n’a pas changé guère.

— Vous non plus, monsieur Chapdelaine. Votre fille, c’est différent ; elle a changé ; mais je l’aurais bien reconnue tout de suite.

Ils avaient passé la veille à Saint-Michel-de-Mistassini, au grand jour de l’après-midi ; mais de revoir ce jeune homme, après sept ans, et d’entendre prononcer son nom, évoqua en Maria un souvenir plus précis et plus vif en vérité que sa vision d’hier : le grand pont de bois, couvert, peint en rouge, et un peu pareil à une arche de Noé d’une étonnante longueur ; les deux berges qui s’élevaient presque de suite en hautes collines, le vieux monastère blotti entre la rivière et le commencement de la pente, l’eau qui blanchissait, bouillonnait et se précipitait du haut en bas du grand rapide comme dans un escalier géant.

— François Paradis !… Bien sûr, « son » père, que je me rappelle François Paradis.

Satisfait, celui-ci répondait aux questions de tout à l’heure.