Page:Hémon - Maria Chapdelaine, 1916.djvu/46

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ralentir à cause de la mince couche d’eau qui s’étendait là et détrempait la neige. Lentement ils approchèrent de la rive ; il ne restait plus que trente pieds à franchir quand la glace commença à craquer de nouveau et ondula sous les pieds du cheval.

Le père Chapdelaine s’était mis debout, bien réveillé cette fois, les yeux vifs et résolus sous son casque de fourrure.

— Charles-Eugène, marche ! Marche donc ! cria-t-il de sa grande voix rude.

Le vieux cheval planta dans la neige semi-liquide les crampons de ses sabots et s’en alla vers la rive par bonds, avec de grands coups de collier. Au moment où ils atterrissaient une plaque de glace vira un peu sous les patins du traîneau et s’enfonça, laissant à sa place un trou d’eau claire.

Samuel Chapdelaine se retourna.

— Nous serons les derniers à traverser, cette saison, dit-il.

Et il laissa son cheval souffler un peu avant de monter la côte.

Bientôt après ils quittèrent le grand chemin pour un autre qui s’enfonçait dans les bois. Celui-là n’était guère plus qu’une piste rudimentaire encore encombrée de racines, et qui décrivait de petites courbes opportunistes pour éviter les rochers ou les souches. Il grimpa une montée, serpenta sur un plateau au milieu du