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MARIA CHAPDELAINE

nent part au travail des hommes, et de leur usage précoce du tabac ils peuvent toujours donner comme raison que c’est une défense contre les terribles insectes harcelants de l’été : moustiques, maringouins et mouches noires.

— Que ce doit donc être plaisant de vivre dans un pays où il n’y a presque pas d’hiver, et où la terre nourrit les hommes et les animaux. Icitte c’est l’homme qui nourrit les animaux et la terre, à force de travail. Si nous n’avions pas Esdras et Da’Bé dans le bois, qui gagnent de « bonnes » gages, comment ferions-nous ?

— Pourtant la terre est bonne par icitte, fit Eutrope Gagnon.

— La terre est bonne ; mais il faut se battre avec le bois pour l’avoir ; et pour vivre il faut économiser sur tout et besogner du matin au soir, et tout faire soi-même, parce que les autres maisons sont si loin.

La mère Chapdelaine se tut et soupira. Elle pensait toujours avec regret aux vieilles paroisses où la terre est défrichée et cultivée depuis longtemps, et où les maisons sont proches les unes des autres, comme à une sorte de paradis perdu.

Son mari serra les poings et hocha la tête d’un air obstiné.

— Attends quelques mois seulement… Quand les garçons seront revenus du bois, nous allons