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MARIA CHAPDELAINE

dre, l’un d’eux s’arrêtait et l’autre frappait plus lentement, laissant chaque fois sa hache un moment dans l’entaille ; la lame de bois qui tenait encore l’arbre debout par une sorte de miracle cédait enfin, le tronc se penchait et les deux bûcherons reculaient d’un pas et le regardaient tomber, poussant un grand cri afin que chacun se gare.

Edwige Légaré et Esdras s’avançaient alors, et lorsque l’arbre n’était pas trop lourd pour leurs forces jointes ils le prenaient chacun par un bout, croisant leurs fortes mains sous la rondeur du tronc, puis se redressaient, raidissant avec peine l’échine et leurs bras qui craquaient aux jointures et s’en allaient le porter sur un des tas proches, à pas courts et chancelants, enjambant péniblement les autres arbres encore couchés à terre. Quand ils jugeaient le fardeau trop pesant Tit’Bé s’approchait, menant le cheval Charles-Eugène qui traînait le bat-cul auquel était attachée une forte chaîne ; la chaîne était enroulée autour du tronc et assujettie, le cheval s’arc-boutait, et avec un effort qui gonflait les muscles de ses hanches, traînait sur la terre le tronc qui frôlait les souches et écrasait les jeunes aunes.

À midi Maria sortit sur le seuil et annonça par un long cri que le dîner était prêt. Les hommes se redressèrent lentement parmi les souches, essuyant d’un revers de main les