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MARIA CHAPDELAINE

sa chaise et finit par s’assoupir ; les autres fumèrent et devisèrent de leur ouvrage.

— S’il y a quelque chose, dit la mère Chapdelaine, qui pourrait me consoler de rester si loin dans le bois, c’est de voir mes hommes faire un beau morceau de terre… Un beau morceau de terre qui a été plein de bois et de chicots et de racines et qu’on revoit une quinzaine après nu comme la main, prêt pour la charrue, je suis sûre qu’il ne peut rien y avoir au monde de plus beau et de plus aimable que ça.

Les autres approuvèrent de la tête et restèrent silencieux quelque temps, savourant l’image. Bientôt voici que le père Chapdelaine se réveillait, rafraîchi par son somme et prêt pour la besogne ; ils se levèrent et sortirent de la maison.

L’espace sur lequel ils avaient travaillé le matin restait encore semé de souches et embarrassé de buissons d’aunes. Ils se mirent à couper et à arracher les aunes, prenant les branches par faisceaux dans leurs mains et les tranchant à coups de hache, ou bien creusant le sol autour des racines et arrachant l’arbuste entier d’une seule tirée. Quand les aunes eurent disparu, il restait les souches.

Légaré et Esdras s’attaquèrent aux plus petites sans autre aide que leurs haches et de forts leviers de bois. À coups de hache, ils coupaient les racines qui rampaient à la surface