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d’un homme et ton cœur s’émeut à la douce pensée d’être mère. N’en rougis pas, ma fille : c’est légitime, à condition que tes désirs soient soumis à la Raison et à la loi du Devoir.

Bien des pièges vont être tendus sous tes pas ; car les hommes de tout âge adressent à une jeune fille mille paroles flatteuses, et l’entourent d’hommages qui la rendent vaine et coquette, si elle a la faiblesse de s’en laisser enivrer. Persuade-toi bien que toutes ces adorations ne s’adressent pas personnellement à toi, mais à ta jeunesse, au brillant de tes yeux, au velouté de ta peau, et que fusses-tu beaucoup meilleure que tu n’es, très supérieure en intelligence, ces mêmes hommes seraient strictement et froidement polis, si tu avais trente ans de plus. Cette pensée, présente à ton esprit, te fera sourire de leur jargon frivole et banal, et te préservera de plusieurs faiblesses, telles que la rivalité de toilette, les petites jalousies, le défaut ridicule de faire la petite fille à cinquante ans.

Ne devant épouser qu’un homme, il te suffit donc d’être aimée d’un seul de la manière que tu le souhaites. Une femme qui se comporte volontairement de manière à capter le cœur de plusieurs hommes, et leur laisse croire qu’ils sont préférés chacun en particulier, est une indigne coquette qui pèche contre la Justice et la Bienveillance : contre la Justice, en ce qu’elle demande un sentiment qu’elle ne paie pas de retour ; qu’elle agit à l’égard d’autrui comme elle trouverait inéquitable qu’on agît envers elle ; contre la Bienveillance, en ce qu’elle risque de faire souffrir des cœurs sincères, et sacrifie leur repos à une jouissance de vanité : une telle femme, mon enfant, est méprisable : elle est une dangereuse ennemie de son sexe : d’abord parce qu’elle