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en proportion de sa confiance, de son estime et de sa tendresse pour toi. Dans le premier cas, il voudra se modifier ; dans le second, il se modifiera sans le savoir.

— Comment, ma mère, est-ce qu’il ne m’aimera pas toujours de même !

— L’amour, ma fille, subit des transformations auxquelles nous devons nous attendre et nous soumettre : au début, c’est une fièvre de l’âme ; mais la fièvre est un état qui ne pourrait durer sans nuire à l’ensemble de la vie. Ton mari, tout en t’aimant plus profondément peut-être, t’aimera moins vivement qu’avant le Mariage. Ton amour se transformera, pourquoi le sien ne ferait-il pas de même ?

Tu ne saurais imaginer que de désordres sont la suite de l’ignorance des femmes sur ce point, et de la vaine poursuite de l’idéal en amour. Ainsi beaucoup de femmes, croyant que leur mari ne les aime plus, parce qu’il les aime autrement, se détachent de lui, souffrent et trahissent leurs devoirs ; d’autres rêvant la perfection dans l’homme aimé, croyant l’y trouver et se désabusant après la fièvre, s’éloignent de lui, l’accusant de les avoir trompées : elles en aiment d’autres avec la même illusion, suivie de la même désillusion, jusqu’à ce qu’arrive la vieillesse qui ne les guérit pas de leur chimère. Enfin il y en a d’autres qui, ne comprenant de l’amour que la première période, cessent d’aimer l’homme qui l’a franchie et courent après un autre amour qui leur apporte la même fièvre : celles-là, tu le comprends, n’ont pas la moindre idée des graves devoirs de la femme dans l’amour.

Ce que je viens de te dire des femmes est également vrai des hommes. Tu éviteras ces écueils, toi, ma fille, qui t’es habituée