Page:Héricourt - La Femme affranchie.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 90 —

Mais nous voilà, je crois, bien loin de notre sujet, le procès en séparation de corps. Revenons-y donc, s’il vous plaît.

La demande en séparation étant admise, le juge autorise la femme à quitter le domicile conjugal ; et elle va résider dans la maison désignée par ce magistrat qui fixe la provision alimentaire que devra fournir le mari. Presque prisonnière sur parole, elle est tenue de justifier de sa résidence dans la maison choisie, sous peine d’être privée de sa pension, et d’être déclarée, même demanderesse, non recevable à continuer ses poursuites.

La jeune femme. Mais pourquoi cet esclavage et cette menace d’un refus de justice ?

L’auteur. Parce que le mari, réputé père de l’enfant qu’elle peut concevoir pendant le procès, doit avoir la possibilité de la surveiller. Comme l’a si bien dit M. de Girardin, la paternité légale est la source principale du servage de la femme mariée.

Pendant le procès, le mari reste détenteur des biens de la femme, qu’il soit demandeur ou défendeur ; il a l’administration des enfants, sauf décision contraire du juge. Si, dans le cas de communauté, la femme a fait faire inventaire du mobilier, c’est le mari qui en est gardien.

Enfin la séparation est prononcée ; la femme rentre comme elle peut, à force de papier timbré, dans ce qui lui reste. Croyez-vous qu’elle soit libre pour cela ? Point du tout : le mari a toujours droit de surveillance sur elle à cause des enfants qui peuvent survenir, et elle ne peut se passer de l’autorisation du mari ou de la justice pour disposer de ses biens, les hypothéquer, etc. Il n’y a de rompu que l’obligation de vivre ensemble et la communauté d’intérêts.