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une âme à la mer

Je lis l’écriture de ma chère mère.

Elle a écrit ceci :

« À mon démon chéri qui me fait rire et pleurer ».

« Sa maman qui la chérit. »

Oui, je sais, et mes yeux se remplissent de larmes.

Rire, pour elle, c’est ma présence.

Pleurer, c’est mon éloignement.

Malgré mon amour pour elle, je ne puis rester à terre longuement. Un vertige me prend à regarder une sphère, à feuilleter un atlas mon esprit s’envole.

À voir un navire qui appareille, mon cœur suit les amarres dans leur fuite.

La contemplation de la mer me pousse vers le large, m’entraîne à l’horizon vers l’infini.

Je dévisage avidement l’année nouvelle.

La chanson des embruns me submerge.

Si c’était à écouter, ce serait un bruissement d’ailes, d’ailes ouvertes dans la brise.

Si c’était à voir, ce serait cent mouettes aux ailes pliées, levées, battantes, qui s’entrecroiseraient follement, en un grand tourbillon envolé.

Mais la chanson des embruns qui me submerge, ne s’entend pas… ne se voit pas.

Comme un fluide circulant dans les veines, elle nourrit mon âme, sans paroles vaines, de son enchantement !

Absorbée longtemps, je sors de ma méditation.

L’avenir est là.