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une âme à la mer

AILÉE S’EN VA


Ailée s’en va…

J’ai le cœur serré…

La brume est là, elle va nous absorber ; à côté du timonier, je traîne avec mes bottes de babord à tribord toutes mes pensées ! Elles ne sont pas gaies ce soir !

Les ordres se croisent, les manœuvres se succèdent. J’assiste impassible au dernier appareillage ; écoutant attentivement les sonneries et les bruits accoutumés que je n’entendrai plus jamais, je conduis mon « Ailée » à Gosport au moteur, équipage réduit pour la désarmer chez Nicholson ; j’ai commandé à ce chantier une goëlette trois mâts de 500 tonnes. Quelle tristesse de la voir désarmée en grand.

Le pont est galipoté, les cuivres peints, les tauds sont en place recouvrant les vernis et les embarcations ; les mâts de flèches sont calés sur le pont. Plus une seule voile en place, le gréement a été enlevé et les voiles sont toutes ramassées.

Les bas mâts dépouillés ressemblent tristement à une forêt en hiver.