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CLIO, LIVRE I.

fleuve, elle fit creuser un lac destiné à recevoir les eaux du fleuve quand il vient à se déborder. Il avait quatre cent vingt stades de tour : quant à la profondeur, on le creusa jusqu’à ce qu’on trouvât l’eau. La terre qu’on en tira servit à relever les bords de la rivière. Ce lac achevé, on en revêtit les bords de pierres. Ces deux ouvrages, savoir, l’Euphrate rendu tortueux et le lac, avaient pour but de ralentir le cours de ce fleuve en brisant son impétuosité par un grand nombre de sinuosités, et d’obliger ceux qui se rendraient par eau à Babylone d’y aller en faisant plusieurs détours, et de les forcer, au sortir de ces détours, à entrer dans un lac immense. Elle fit faire ces travaux dans la partie de ses États la plus exposée aux irruptions des Mèdes, et du côté où ils ont moins de chemin à faire pour entrer sur ses terres, afin que, n’ayant point de commerce avec les Assyriens, ils ne pussent prendre aucune connaissance de ses affaires.

CLXXXVI. Ce fut ainsi que cette princesse fortifia son pays. Quand ces ouvrages furent achevés, voici ceux qu’elle y ajouta : Babylone est divisée en deux parties, et l’Euphrate la traverse par le milieu. Sous les rois précédents, quand on voulait aller d’un côté de la ville à l’autre, il fallait nécessairement passer le fleuve en bateau, ce qui était, à mon avis, fort incommode. Nitocris y pourvut ; le lac qu’elle creusa pour obvier aux débordements du fleuve lui permit d’ajouter à ce travail un autre ouvrage qui a éternisé sa mémoire.

Elle fit tailler de grandes pierres ; et lorsqu’elles furent prêtes à être mises en œuvre, et que le lac eut été creusé, elle détourna les eaux de l’Euphrate dans ce lac. Pendant qu’il se remplissait, l’ancien lit du fleuve demeura à sec. Ce fut alors qu’on en revêtit les bords de briques cuites en dedans de la ville, ainsi que les descentes qui conduisent des petites portes à la rivière ; et l’on s’y prit comme l’on avait fait pour construire le mur : on bâtit aussi au milieu de la ville un pont avec les pierres qu’on avait tirées des carrières, et on les lia ensemble avec du fer et du plomb. Pendant le jour on y passait sur des pièces de bois carrées qu’on retirait le soir, de crainte que les habitants n’allas-