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EUTERPE, LIVRE II.

par un héraut, suivant les ordres de l’oracle, si quelqu’un voulait venger la mort d’Ésope[1], il ne se présenta qu’un petit-fils d’Iadmon, qui portait le même nom que son aïeul.

CXXXV. Rhodopis fut ensuite menée en Égypte par Xanthus, de Samos, pour y exercer le métier de courtisane. Charaxus de Mitylène, fils de Scamandronyme, et frère de Sappho, dont nous avons les poésies, donna un prix considérable pour sa rançon. Ayant ainsi recouvré la liberté, elle resta en Égypte, où sa beauté lui procura de grandes richesses pour une femme de son état, mais fort au-dessous de celles qui étaient nécessaires pour la construction d’une telle pyramide. On doit d’autant moins lui attribuer de si grands biens, qu’on peut en voir encore aujourd’hui la dixième partie ; car, voulant laisser dans la Grèce un monument qui transmît son nom à la postérité, elle fit faire une chose que personne autre n’a inventée, ni consacrée dans un temple, et la dédia à Delphes. Ayant donc fait faire des broches de fer propres à rôtir un bœuf, autant que put y suffire la dixième partie de son bien, chose que personne n’avait encore imaginée, et dont on n’avait point encore fait d’offrande, elle les envoya au temple de Delphes, où on les voit encore aujourd’hui, entassées derrière l’autel que les habitants de Chios ont élevé vis-à-vis du temple même.

Les courtisanes sont en général d’une grande beauté à Naucratis. Celle dont nous parlons devint si célèbre, qu’il n’y avait personne en Grèce qui ne sût son nom. Une autre courtisane, nommée Archidice, acquit aussi, après

  1. On ne peut guère douter qu’Ésope n’ait vécu du temps de Crésus et à sa cour. Selon Suidas, ce fabuliste était de Samos ou de Sardes ; d’autres disent qu’il était de Mésambria, ou de Cotyæum en Phrygie. Il vécut à la cour de Crésus, et fut aimé de ce prince. Il périt à Delphes d’une mort injuste, les Delphiens l’ayant précipité du haut de la roche Hyampée vers la fin de la quatrième année de la cinquante-quatrième olympiade. De là vient le proverbe, sang ésopéen, dont on se servait en parlant de ceux à qui on avait ôté la vie injustement, et de ceux qui étaient coupables de crimes difficiles à expier ; car le dieu fut fort irrité contre les Delphiens, parce qu’ils avaient fait mourir injustement Ésope. Il était plus ancien que Pythagore, car il vivait vers la quarantième olympiade. (L.)