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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

mesures où la précipitation eut plus de part que la prudence : car il n’est pas possible aux hommes de changer l’ordre des destinées. J’envoyai follement Prexaspes à Suses, pour tuer Smerdis. Ce crime commis, je vivais tranquille et sans crainte, ne pouvant m’imaginer qu’après m’être défait de mon frère, quelque autre se soulevât contre moi. Mais l’événement s’est trouvé contraire à mon attente. J’ai versé le sang d’un frère, un sang que je n’aurais pas dû répandre, et je n’en perds pas moins la couronne. C’était le mage Smerdis qu’un dieu me montrait en songe ; c’était lui qui devait se révolter contre moi. Le coup est fait ; Smerdis, fils de Cyrus, est mort. Le mage Patizithès, que j’ai laissé pour avoir soin de mes biens, et son frère Smerdis, se sont emparés de la couronne. Celui qui aurait dû principalement me venger de leur traitement honteux a été tué par les mains impies de ses plus proches parents. Mais enfin, puisqu’il n’est plus, il ne me reste qu’à vous donner mes ordres ; et c’est une nécessité pour moi de vous faire connaître ce que je veux que vous fassiez après ma mort. Je vous prie donc, ô Perses, par les dieux protecteurs des rois, je vous conjure tous, et vous principalement, Achéménides, qui êtes ici présents, de ne point souffrir que l’empire retourne aux Mèdes. S’ils s’en sont rendus maîtres par la ruse, recouvrez-le par la ruse ; s’ils s’en sont emparés par la force, reprenez-le par la force. Si vous faites ce que je vous recommande, et si vous conservez votre liberté, puisse la terre produire pour vous des fruits en abondance ! puissent vos femmes vous donner un grand nombre d’enfants, et vos troupeaux se multiplier par une heureuse fécondité ! Mais si vous ne recouvrez point l’empire, et si vous ne faites aucun effort pour le reconquérir, non-seulement je fais des vœux pour que le contraire vous arrive, mais, de plus, je souhaite à tous les Perses, en particulier, une fin telle que la mienne. »

LXVI. Cambyse, ayant parlé de la sorte, déplora son sort ; les Perses, voyant couler les larmes de leur prince, déchirèrent leurs habits en poussant de grands gémisse-