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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

qu’un de ses habitants l’a prise avec quinze soldats, et en est maintenant le maître. » Orétès fut, dit-on, si sensible à ce reproche, qu’il chercha moins les moyens de se venger de celui qui le lui avait fait, que de perdre entièrement Polycrate, à l’occasion duquel il l’avait reçu.

CXXI. Quelques-uns, mais en plus petit nombre, racontent qu’Orétès envoya un héraut à Samos lui faire une demande quelconque ; on ne dit point ce que c’était. Quand le héraut arriva, ce prince était sur un lit de repos dans l’appartement des hommes, ayant près de lui Anacréon de Téos. Le héraut s’étant avancé pour lui parler, Polycrate, qui avait alors le visage du côté du mur, soit qu’il se trouvât par hasard dans cette posture, soit qu’il s’y fût mis exprès pour montrer le mépris qu’il faisait d’Orétès, ne daigna point se tourner, ni même lui répondre.

CXXII. On rapporte ces deux causes de la mort de Polycrate : chacun est libre de croire celle qui lui paraîtra la plus probable. Orétès, étant à Magnésie sur le Méandre, envoya à Samos un Lydien nommé Myrsus, fils de Gygès, vers Polycrate, dont il connaissait le caractère. Polycrate est le premier de tous les Grecs que nous connaissions qui ait eu le dessein de se rendre maître de la mer, si l’on excepte Minos de Cnosse, ou quelque autre plus ancien que ce législateur, supposé qu’il y en ait eu. Quant à ce qu’on appelle les temps historiques, Polycrate est le premier qui se soit flatté de l’espérance de s’emparer de l’Ionie et des îles. Orétès, instruit de ses vues, lui envoya ce message :

« Orétès parle ainsi à Polycrate :

» J’ai appris que vous aviez conçu de vastes projets, mais que vos richesses n’y répondaient pas. Si donc vous suivez mes conseils, vous vous élèverez, et vous me mettrez moi-même à couvert de tout danger. Cambyse a dessein de me faire mourir ; on me le mande comme une chose certaine. Donnez-moi une retraite chez vous, et recevez-moi avec mes trésors ; la moitié est à vous, laissez-moi l’autre : ils vous rendront maître de toute la Grèce. Au reste, si vous avez quelque doute