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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

son âme. En effet, de tous les tyrans qui ont régné dans les villes grecques, il n’y en a pas un seul, si l’on excepte ceux de Syracuse, dont la magnificence mérite d’être comparée à celle de Polycrate. Orétès l’ayant fait périr d’une mort que j’ai horreur de rapporter[1], le fit mettre en croix. Il renvoya tous les Samiens qui l’avaient suivi, et leur dit qu’ils devaient lui savoir gré de la liberté qu’il leur laissait. Quant aux étrangers et aux esclaves qui avaient accompagné Polycrate, il les retint tous dans la servitude. Polycrate, élevé en l’air, accomplit toutes les circonstances du songe de sa fille. Il était baigné par les eaux du ciel et oint par le soleil, dont la chaleur faisait sortir les humeurs de son corps. Ce fut là qu’aboutirent les prospérités de Polycrate, comme le lui avait prédit Amasis.

CXXVI. La mort de Polycrate ne tarda pas à être vengée sur Orétès. Cambyse étant mort, et les mages s’étant emparés du trône, Orétès, qui résidait à Sardes, bien loin de rendre aucun service aux Perses, à qui les Mèdes avaient enlevé la couronne, profita de ces temps de troubles et de désordres pour faire périr Mitrobates, gouverneur de Dascylium, qui lui avait fait des reproches au sujet de Polycrate, et son fils Cranapes, quoiqu’ils fussent l’un et l’autre en grande considération parmi les Perses. Outre une infinité d’autres crimes, un courrier lui ayant apporté de la part de Darius des ordres qui ne lui étaient pas agréables, il aposta des assassins pour l’attaquer sur le chemin lorsqu’il s’en retournerait. Ils le tuèrent lui et son cheval, et en firent disparaître les cadavres.

CXXVII. Darius ne fut pas plutôt sur le trône, qu’il résolut de ne point laisser impunis les crimes d’Orétès, et particulièrement la mort de Mitrobates et de son fils. Mais il jugea d’autant moins convenable d’envoyer une armée directement contre lui au commencement de son règne, et dans le temps que les affaires étaient encore dans une espèce de fermentation, qu’il savait qu’Orétès avait des forces considérables. Sa garde, en effet, était composée de

  1. Orétès le fit sans doute écorcher vif, genre de supplice assez ordinaire en Perse. (Wesseling.)