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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

coupes d’or : ils ne connaissent en effet ni l’argent ni le cuivre. Cela fait, ils remplissent la fosse de terre, et travaillent tous, à l’envi l’un de l’autre, à élever sur le lieu de sa sépulture un tertre très-haut.

LXXII. L’année révolue, ils prennent, parmi le reste des serviteurs du roi, ceux qui lui étaient les plus utiles. Ces serviteurs sont tous Scythes de nation, le roi n’ayant point d’esclaves achetés à prix d’argent, et se faisant servir par ceux de ses sujets à qui il l’ordonne. Ils étranglent une cinquantaine de ces serviteurs, avec un pareil nombre de ses plus beaux chevaux[1]. Ils leur ôtent les entrailles, leur nettoient le ventre, et, après l’avoir rempli de paille, ils le recousent. Ils posent sur deux pièces de bois un demi-cercle renversé, puis un autre demi-cercle sur deux autres pièces de bois, et plusieurs autres ainsi de suite, qu’ils attachent de la même manière. Ils élèvent ensuite sur ces demi-cercles les chevaux, après leur avoir fait passer des pieux dans toute leur longueur jusqu’au cou : les premiers demi-cercles soutiennent les épaules des chevaux, et les autres les flancs et la croupe ; de sorte que les jambes n’étant point appuyées restent suspendues. Ils leur mettent ensuite un mors et une bride, tirent la bride en avant, et l’attachent à un pieu. Cela fait, ils prennent les cinquante jeunes gens qu’ils ont étranglés, les placent chacun sur un cheval, après leur avoir fait passer, le long de l’épine du dos jusqu’au cou, une perche dont l’extrémité inférieure s’emboîte dans le pieu qui traverse le cheval. Enfin, lorsqu’ils ont arrangé ces cinquante cavaliers autour du tombeau, ils se retirent.

LXXIII. Telles sont les cérémonies qu’ils observent aux obsèques de leurs rois. Quant au reste des Scythes, lorsqu’il meurt quelqu’un d’entre eux, ses plus proches pa-

  1. Je ne doute pas que ces sacrifices inhumains ne paraissent une fable à ceux d’entre les modernes qui ne jugent des nations étrangères que d’après la leur. Qu’ils sachent qu’à la Chine, c’est-à-dire dans le pays le plus doux et le plus policé qu’il y ait, l’empereur Chun-Tchi ayant perdu une de ses épouses en 1660, fit sacrifier sur le tombeau de cette femme plus de trente esclaves. Il était Tartare, c’est-à-dire Scythe. Cet exemple récent rend croyable ce que nous dit Hérodote des anciens Scythes. (L.)