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MELPOMÈNE, LIVRE IV.

ânes et la figure des mulets favorisaient les Perses, et étaient désavantageux aux Scythes quand ils attaquaient le camp de Darius. Il ne naît en effet, en Scythie, ni âne ni mulet, comme je l’ai dit plus haut ; et même on n’en voit pas un seul dans tout le pays, à cause du froid. Les ânes jetaient, par leurs cris, l’épouvante parmi la cavalerie des Scythes. Il arrivait souvent que celle-ci allait à la charge ; mais si, sur ces entrefaites, les chevaux les entendaient, ils dressaient les oreilles d’étonnement, et reculaient troublés, parce qu’ils n’étaient accoutumés ni aux cris ni à la figure de ces animaux. Mais c’était un faible avantage.

CXXX. Les Scythes, s’étant aperçus de l’embarras des Perses, eurent recours à cet artifice pour les faire rester plus longtemps en Scythie, et les tourmenter par l’extrême disette de toutes choses. Ils leur abandonnèrent quelques-uns de leurs troupeaux avec ceux qui les gardaient, et se retirèrent dans un autre canton. Les Perses se jetèrent sur ces troupeaux, et les enlevèrent.

CXXXI. Ce premier succès les encouragea, et fut suivi de plusieurs autres ; mais enfin Darius se trouva dans une extrême disette. Les rois des Scythes, en étant instruits, lui envoyèrent un héraut avec des présents, qui consistaient en un oiseau, un rat, une grenouille et cinq flèches. Les Perses demandèrent à l’envoyé ce que signifiait ces présents. Il répondit qu’on l’avait seulement chargé de les offrir, et de s’en retourner aussitôt après ; qu’il les exhortait cependant, s’ils avaient de la sagacité, à tâcher d’en pénétrer le sens.

CXXXII. Dans un conseil tenu à ce sujet, Darius prétendait que les Scythes lui donnaient la terre et l’eau, comme un gage de leur soumission. Il le conjecturait sur ce que le rat naît dans la terre, et se nourrit de blé ainsi que l’homme ; que la grenouille s’engendre dans l’eau ; que l’oiseau a beaucoup de rapport au cheval, et qu’enfin les Scythes, en lui donnant des flèches, lui livraient leurs forces. Tel fut le sentiment de Darius. Mais Gobryas, l’un des sept qui avaient détrôné le mage, fut d’un autre avis. « Perses, leur dit-il, ces présents signifient que, si vous ne vous envolez pas dans les airs comme des oiseaux, ou si vous ne