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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

demanda à Aristagoras combien il y avait de journées de la mer qui baigne les côtes de l’Ionie au lieu de la résidence du roi. Quoique Aristagoras eût jusqu’alors trompé Cléomène avec beaucoup d’adresse, il fit ici une fausse démarche. Il devait, en effet, déguiser la vérité, s’il avait du moins dessein d’attirer les Spartiates en Asie ; mais, au lieu de le faire, il répondit qu’il y avait trois mois de chemin. Cléomène l’interrompit sur-le-champ, et, sans lui permettre d’achever ce qu’il se préparait à dire sur ce chemin : « Mon ami, lui dit-il, en proposant aux Lacédémoniens une marche de trois mois par delà la mer, vous leur tenez un langage désagréable. Sortez de Sparte avant le coucher du soleil. »

LI. En finissant ces mots, Cléomène se retira dans son palais. Aristagoras l’y suivit, une branche d’olivier à la main, et, allant droit au foyer, comme un suppliant, il le conjura de l’écouter, et de faire retirer Gorgo, sa fille, jeune enfant de huit à neuf ans, le seul qu’il eût, et qui était alors auprès de lui. Cléomène lui répondit qu’il pouvait dire ce qu’il souhaitait, et que la présence de cet enfant ne devait pas l’arrêter. Alors Aristagoras lui promit d’abord dix talents[1], en cas qu’il lui accordât sa demande, et, sur le refus de Cléomène, il augmenta la somme, et vint peu à peu jusqu’à lui offrir cinquante talents[2]. Mais la jeune Gorgo s’écria : Fuyez, mon père, fuyez ; cet étranger vous corrompra. Cléomène, charmé de ce conseil, passa dans une autre chambre, et Aristagoras se vit contraint de sortir de Sparte sans pouvoir trouver davantage l’occasion de lui faire connaître la route qui mène de la mer au lieu de la résidence du roi. En voici la description.

LII. Il y a sur toute cette route des maisons royales ou stathmes[3], et de très-belles hôtelleries : ce chemin est sûr, et traverse des pays très-peuplés. On voyage d’abord en

  1. 54 000 livres.
  2. 270 000 livres.
  3. Ces stathmes ou maisons royales servaient probablement aussi à loger des voyageurs. On sait que dans l’Orient on a exercé de tout temps l’hospitalité, et qu’encore actuellement on trouve sur toutes les grandes routes de vastes édifices très-commodes où logent les voyageurs avec leur suite, sans qu’il leur en coûte rien. On les appelle des caravanserails. (L.)