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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

nous aurons pris un bon parti : notre enfant mort aura une sépulture royale, et celui qui reste ne perdra point la vie. »

CXIII. Le bouvier sentit que, dans cette conjoncture, sa femme avait raison ; et sur-le-champ il suivit son conseil. Il lui remet l’enfant qu’il avait apporté pour le faire mourir, prend le sien qui était mort, le met dans le berceau du jeune prince avec tous ses ornements, et va l’exposer sur la montagne la plus déserte. Le troisième jour après, ayant laissé, pour garder le corps, un de ceux qui avaient soin des troupeaux sous ses ordres, il alla à la ville, et, s’étant rendu chez Harpage, il lui dit qu’il était prêt à lui montrer le corps mort de l’enfant. Harpage, ayant envoyé avec lui ses gardes les plus affidés, fit, sur leur rapport, donner la sépulture au fils de Mitradates. À l’égard du jeune prince, Spaco en prit soin et l’éleva. Il fut dans la suite connu sous le nom de Cyrus ; mais Spaco lui donna quelque autre nom.

CXIV. Cet enfant, étant âgé de dix ans, eut une aventure qui le fit reconnaître. Un jour que, dans le village où étaient les troupeaux du roi, il jouait dans la rue avec d’autres enfants de son âge, ceux-ci l’élurent pour leur roi, lui qui était connu sous le nom de fils du bouvier. Il distribuait aux uns les places d’intendants de ses bâtiments, aux autres celles de gardes du corps ; celui-ci était l’œil du roi, celui-là devait lui présenter les requêtes des particuliers : chacun avait son emploi, selon ses talents et le jugement qu’en portait Cyrus. Le fils d’Artembarès, homme de distinction chez les Mèdes, jouait avec lui. Ayant refusé d’exécuter ses ordres, Cyrus le fit saisir par les autres enfants, et maltraiter à coups de verges. On ne l’eut pas plutôt relâché, qu’outré d’un traitement si indigne de sa naissance, il alla à la ville porter ses plaintes à son père contre Cyrus. Ce n’est pas qu’il lui donnât ce nom, Cyrus ne le portait point encore ; mais il l’appelait le fils du bouvier d’Astyages. Dans la colère où était Artembarès, il alla trouver le roi avec son fils, et se plaignit du traitement odieux qu’il avait reçu. « Seigneur, dit-il, en découvrant les épaules de son fils, c’est ainsi que