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CLIO, LIVRE I.

qu’alors leur table doit être garnie d’un plus grand nombre de mets. Ce jour-là, les gens heureux[1], se font servir un cheval, un chameau, un âne et un bœuf entiers, rôtis aux fourneaux. Les pauvres se contentent de menu bétail. Les Perses mangent peu de viande, mais beaucoup de dessert, qu’on apporte en petite quantité à la fois. C’est ce qui leur fait dire que les Grecs en mangeant cessent seulement d’avoir faim, parce qu’après le repas on ne leur sert rien de bon, et que, si on leur en servait, ils ne cesseraient pas de manger. Ils sont fort adonnés au vin, et il ne leur est pas permis de vomir ni d’uriner devant le monde. Ils observent encore aujourd’hui ces usages. Ils ont coutume de délibérer sur les affaires les plus sérieuses après avoir bu avec excès ; mais, le lendemain, le maître de la maison où ils ont tenu conseil remet la même affaire sur le tapis avant que de boire. Si on l’approuve à jeun, elle passe ; sinon on l’abandonne. Il en est de même des délibérations faites à jeun ; on les examine de nouveau lorsqu’on a bu avec excès.

CXXXIV. Quand deux Perses se rencontrent dans les rues, on distingue s’ils sont de même condition, car ils se saluent en se baisant à la bouche ; si l’un est d’une naissance un peu inférieure à l’autre, ils se baisent seulement à la joue ; et si la condition de l’un est fort au-dessous de celle de l’autre, l’inférieur se prosterne devant le supérieur. Les nations voisines sont celles qu’ils estiment le plus, toutefois après eux-mêmes. Celles qui les suivent occupent le second rang dans leur esprit ; et, réglant ainsi leur estime proportionnellement au degré d’éloignement, ils font le moins de cas des plus éloignées. Cela vient de ce que, se croyant en tout d’un mérite supérieur, ils pensent que le reste des hommes ne s’attache à la vertu que dans la proportion dont on vient de parler, et que ceux qui sont les plus éloignés d’eux sont les plus méchants. Sous l’empire des Mèdes, il y avait de la subordination entre les divers peuples. Les Mèdes les gouvernaient tous ensemble, aussi bien que leurs plus proches voisins. Ceux-ci comman-

  1. Quoique les richesses ne fassent pas le bonheur, cette expression, les gens heureux, pour les gens riches, était passée en usage chez les Grecs.