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HISTOIRE D’HÉRODOTE.

sons auprès de Jupiter Olympien, elle ne peut le fléchir. Cependant, Athéniens, je vous donnerai encore une réponse, ferme, stable, irrévocable. Quand l’ennemi se sera emparé de tout ce que renferme le pays de Cécrops, et des antres du sacré Cithéron, Jupiter, qui voit tout, accorde à Pallas une muraille de bois qui seule ne pourra être prise ni détruite ; vous y trouverez votre salut, vous et vos enfants. N’attendez donc pas tranquillement la cavalerie et l’infanterie de l’armée nombreuse qui viendra vous attaquer par terre ; prenez plutôt la fuite, et lui tournez le dos : un jour viendra que vous lui tiendrez tête. Pour toi, ô divine Salamine ! tu perdras les enfants des femmes ; tu les perdras, dis-je, soit que Cérès demeure dispersée, soit qu’on la rassemble. »

CXLII. Cette réponse parut aux théores moins dure que la précédente, et véritablement elle l’était. Ils la mirent par écrit, et retournèrent à Athènes. À peine y furent-ils arrivés, qu’ils firent leur rapport au peuple. Le sens de l’oracle fut discuté, et les sentiments se trouvèrent partagés. Ces deux-ci furent les plus opposés. Quelques-uns des plus âgés pensaient que le dieu déclarait par sa réponse que la citadelle ne serait point prise, car elle était anciennement fortifiée d’une palissade. Ils conjecturaient donc que la muraille de bois dont parlait l’oracle n’était autre chose que cette palissade. D’autres soutenaient, au contraire, que le dieu désignait les vaisseaux, et que sans délais il en fallait équiper. Mais les deux derniers vers de la Pythie : « Pour toi, ô divine Salamine ! tu perdras les enfants des femmes, tu les perdras, dis-je, soit que Cérès demeure dispersée, soit qu’on la rassemble », embarrassaient ceux qui disaient que les vaisseaux étaient le mur de bois, et leurs avis en étaient confondus. Car les devins entendaient qu’ils seraient vaincus près de Salamine, s’ils se disposaient à un combat naval.

CXLIII. Il y avait alors à Athènes un citoyen nouvellement élevé au premier rang. Son nom était Thémistocles ; mais on l’appelait fils de Néoclès. Il soutint que les interprètes n’avaient pas rencontré le vrai sens de l’oracle. Si le malheur prédit, disait-il, regardait en quelque sorte les