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POLYMNIE, LIVRE VII.

XII. Tel fut le discours de Xerxès ; mais, quand la nuit fut venue, l’avis d’Artabane commençant à l’inquiéter, il y fit de sérieuses réflexions, et comprit enfin qu’il ne lui était pas avantageux d’entreprendre une expédition contre la Grèce. Cette nouvelle résolution prise, il s’endormit, et, comme le disent les Perses, cette même nuit il eut une vision dans laquelle il lui sembla voir un homme d’une grande taille et d’une belle figure se présenter devant lui, et lui tenir ce discours : « Quoi donc, roi de Perse, tu ne veux plus porter la guerre en Grèce, après avoir ordonné à tes sujets de lever une armée ! Tu as tort de changer ainsi de résolution, personne ne t’approuvera. Si tu m’en crois, tu suivras la route que tu t’étais proposé de tenir dans le jour. » Ces paroles achevées, il lui sembla voir disparaître ce fantôme.

XIII. Le jour venu, Xerxès, loin d’avoir égard à ce songe, convoqua les mêmes personnes qu’il avait assemblées la veille, et leur parla en ces termes : « Si vous me voyez changer si subitement de résolution, je vous prie de me le pardonner. Je ne suis point encore arrivé à ce point de prudence où je dois un jour parvenir ; d’ailleurs je suis continuellement obsédé par ceux qui m’exhortent à l’entreprise dont je vous entretins hier. Lorsque j’ai entendu l’avis d’Artabane, je me suis laissé tout à coup emporter aux saillies d’une bouillante jeunesse, jusqu’à parler d’une manière moins convenable que je ne l’aurais dû à un homme de son âge. Mais je reconnais maintenant ma faute, et je veux suivre son conseil. Demeurez donc tranquilles, puisque j’ai changé de résolution et que j’ai renoncé à porter la guerre en Grèce. »

XIV. Ravis de ce discours, les Perses se prosternèrent devant le roi. La nuit suivante, le même fantôme se présenta de nouveau à Xerxès pendant son sommeil, et lui parla ainsi : « Fils de Darius, tu as donc renoncé dans l’assemblée des Perses à l’expédition de Grèce, et tu ne tiens pas plus de compte de mes discours que si tu ne les avais jamais entendus. Mais si tu ne te mets incessamment en marche, apprends quelles seront les suites de ton obstination ; de grand et de puissant que tu es de-