Page:Hérodote - Histoire, trad. Larcher, tome 2, 1850.djvu/96

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
POLYMNIE, LIVRE VII.

soit dans tout l’univers, à qui il ne vienne dans l’esprit, je ne dis pas une fois, mais souvent, de souhaiter de mourir. Les malheurs qui surviennent, les maladies qui nous troublent, font paraître la vie bien longue, quelque courte qu’elle soit. Dans une existence si malheureuse, l’homme soupire après la mort, et la regarde comme un port assuré. En assaisonnant notre vie de quelques plaisirs, le dieu fait bien voir sa jalousie.

XLVII. » — Artabane, reprit Xerxès, la vie de l’homme est telle que vous la présentez. Mais finissons un entretien si triste, lorsque nous avons devant nous tant de choses agréables. Dites-moi, je vous prie, si la vision que vous avez eue n’eût point été si claire, persisteriez-vous dans votre ancien sentiment ? me dissuaderiez-vous encore de porter la guerre en Grèce, ou changeriez-vous d’avis ? parlez sans rien déguiser. — Seigneur, dit Artabane, puisse la vision que nous avons eue avoir l’heureux accomplissement que nous désirons l’un et l’autre ! Mais encore a présent je suis extrêmement effrayé, et je ne me sens pas maître de moi-même, lorsque entre autres choses sur lesquelles je réfléchis, j’en vois deux de la plus grande conséquence qui vous sont contraires.

XLVIII. » — Quelles sont donc ces deux choses, reprit Xerxès, qui, à votre avis, me sont si contraires ? Peut-on reprocher à l’armée de terre de n’être point assez nombreuse, et croyez-vous que les Grecs puissent nous en opposer une plus forte ? trouvez-vous notre flotte inférieure à la leur ? serait-ce enfin l’une et l’autre ? Si nos armées vous paraissent trop peu considérables, on peut faire au plus tôt de nouvelles levées.

XLIX. » — Seigneur, reprit Artabane, il n’y a point d’homme, du moins en son bon sens, qui puisse reprocher à vos armées de terre et de mer de n’être point assez nombreuses. Si vous faites de nouvelles levées, les deux choses dont je parle vous seront encore beaucoup plus contraires. Ces deux choses sont la terre et la mer. En effet, s’il s’élève une tempête, il n’y a point, comme je le conjecture, de port au monde assez vaste pour contenir votre flotte, et pour la mettre en sûreté. Mais il ne

ii.9