Page:Hérodote - Histoire.djvu/38

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ce qui leur avait été prescrit, elle leur répondit ainsi en vers hexamètres. « Je connais le nombre des grains de sable et la mesure de la mer ; je comprends la langue du muet ; j’entends la voix de celui qui ne parle point. Mes sens sont frappés de l’odeur d’une tortue qu’on fait cuire avec de la chair d’agneau dans une chaudière d’airain ; l’airain est étendu sous elle, et l’airain la recouvre. »

XLVIII. Les Lydiens, ayant mis par écrit cette réponse de la Pythie, partirent et revinrent à Sardes. Quand les autres députés, envoyés en divers pays, furent aussi de retour avec les réponses des oracles, Crésus les ouvrit, et les examina chacune en particulier. Il y en eut sans doute qu’il n’approuva point ; mais, dès qu’il eut entendu celle de l’oracle de Delphes, il la reconnut pour vraie, et l’adora, persuadé que cet oracle était le seul véritable, comme étant le seul qui eût découvert ce qu’il faisait. En effet, après le départ des députés qui allaient consulter les oracles, attentif au jour convenu, il avait imaginé la chose la plus impossible à deviner et à connaître. Ayant lui-même coupé par morceaux une tortue et un agneau, il les avait fait cuire ensemble dans un vase d’airain, dont le couvercle était de même métal. Telle fut la réponse de Delphes.

XLIX. Quant à celle que reçurent les Lydiens dans le temple d’Amphiaraüs, après les cérémonies et les sacrifices prescrits par les lois, je n’en puis rien dire. On sait uniquement que Crésus reconnut aussi la véracité de cet oracle.

L. Ce prince tâcha ensuite de se rendre propice le dieu de Delphes par de somptueux sacrifices, dans lesquels on immola trois mille victimes de toutes les espèces d’animaux qu’il est permis d’offrir aux dieux. Il fit ensuite brûler sur un grand bûcher des lits dorés et argentés, des vases d’or, des robes de pourpre et autres vêtements, s’imaginant par cette profusion se rendre le dieu plus favorable. Il enjoignit aussi aux Lydiens d’immoler au dieu toutes les victimes que chacun aurait en sa puissance. Ayant fait fondre, après ce sacrifice, une prodigieuse quantité d’or, il en fit faire cent dix-sept demi-plinthes, dont les plus longues avaient six palmes, et les plus petites trois, sur une d’épaisseur. Il y en avait quatre d’or fin, du poids d’un talent et demi ; les autres étaient d’un or pâle, et pesaient deux talents. Il fit faire aussi un lion d’or fin du poids de dix talents