Page:Hérodote - Histoire.djvu/40

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Crésus devait faire la guerre aux Perses, et joindre à son armée des troupes alliées. A leur arrivée, les Lydiens présentèrent les offrandes, et consultèrent les oracles en ces termes : « Crésus, roi des Lydiens et autres nations, persuadé que vous êtes les seuls véritables oracles qu’il y ait dans le monde, vous envoie ces présents, qu’il croit dignes de votre habileté. Maintenant il vous demande s’il doit marcher contre les Perses, et s’il doit joindre à son armée des troupes alliées. » Telles furent les demandes des députés. Les deux oracles s’accordèrent dans leurs réponses. Ils prédirent l’un et l’autre à ce prince que, s’il entreprenait la guerre contre les Perses, il détruirait un grand empire, et lui conseillèrent de rechercher l’amitié des États de la Grèce qu’il aurait reconnus pour les plus puissants.

LIV. Crésus, instruit de ces réponses, en ressentit une joie extrême ; et concevant l’espoir de renverser l’empire de Cyrus, il envoya de nouveau des députés à Delphes, pour distribuer à chacun des habitants (il en savait le nombre) deux statères d’or par tête. Les Delphiens accordèrent par reconnaissance à Crésus et aux Lydiens la prérogative de consulter les premiers l’oracle, l’immunité, la préséance, et le privilège perpétuel de devenir citoyens de Delphes quand ils le désireraient.

LV. Crésus, ayant envoyé ces présents aux Delphiens, interrogea le dieu pour la troisième fois : car, depuis qu’il en eut reconnu la véracité, il ne cessa plus d’y avoir recours. Il lui demanda donc si sa monarchie serait de longue durée. La Pythie lui répondit en ces termes : « Quand un mulet sera roi des Mèdes, fuis alors, Lydien effèminé, sur les bords de l’Hermus caillouteux : garde-toi de résister, et ne rougis point de ta lâcheté. »

LVI. Cette réponse fit encore plus plaisir à Crésus que toutes les autres. Persuadé qu’on ne verrait jamais sur le trône des Mèdes un mulet, il conclut que ni lui ni ses descendants ne perdraient l’empire. Dès lors, il rechercha quels étaient les peuples les plus puissants de la Grèce, dans le dessein de s’en faire des amis, et trouva que les Lacédémoniens et les Athéniens tenaient le premier rang, les uns parmi les Doriens, les autres parmi les Ioniens. Ces nations autrefois étaient en effet les plus distinguées, l’une étant pélasgique et l’autre hellénique. La première n’est jamais sortie de son pays, et l’autre a souvent