Page:Hérodote - Histoire.djvu/42

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simple particulier[1]. Il lui arriva aux jeux olympiques un prodige mémorable : il avait offert un sacrifice ; les chaudières, près de l’autel, remplies des victimes et d’eau, bouillirent et débordèrent sans feu. Chilon de Lacédémone, qui par hasard était présent, témoin de ce prodige, conseilla à Hippocrate de ne point prendre de femme féconde, ou, s’il en avait une, de la répudier ; et s’il lui était né un fils, de ne le point reconnaître. Hippocrate ne voulut point déférer aux conseils de Chilon. Quelque temps après naquit le Pisistrate dont nous parlons, qui, dans la querelle entre les Paraliens[2] ou habitants de la côte maritime, commandés par Mégaclès, fils d’Alcmæon, et les habitants de la plaine, ayant à leur tête Lycurgue, fils d’Aristolaïdas, pour se frayer une route à la tyrannie, suscita un troisième parti. Il assembla donc ce parti, sous prétexte de défendre les habitants de la montagne[3]. Voici la ruse qu’il imagina : s’étant blessé lui et ses mulets, il poussa son char vers la place publique, comme s’il se fût échappé des mains de ses ennemis, qui avaient voulu le tuer lorsqu’il allait à la campagne. Il conjura les Athéniens de lui accorder une garde : il leur rappela la gloire dont il s’était couvert à la tête de leur armée contre les Mégariens, la prise de Nisée[4], et leur cita plusieurs autres traits de valeur. Le peuple, trompé, lui donna pour garde un certain nombre de citoyens choisis, qui furent non ses porte-lances, mais ses porte-massues : car ils l’escortaient, armés de massues de bois. Pisistrate les fit soulever, et s’empara par leur moyen de la citadelle. Dès ce moment il fut maître d’Athènes, mais sans troubler l’exercice des magistratures, sans altérer les lois. Il mit le bon ordre dans la ville, et la gouverna sagement suivant ses usages. Peu de temps après, les

  1. C’est-à-dire qu’il n’occupait alors aucune place dans l’État. Il était de la naissance la plus distinguée, descendait de Pélée, ainsi que Nestor. Codrus, qui régna à Athènes, était de la même maison. (Voy. Hérodote, liv. V. § 65.)
  2. C’est le nom d’une des quatre anciennes tribus d’Athènes.
  3. Plutarque les nomme Diacriens. C’est encore une des quatre anciennes tribus d’Athènes. Ils étaient attachés au gouvernement démocratique. Les mercenaires, tourbe vile qui détestait les riches, en faisaient aussi partie. Pisistrate gagna ceux de ce parti que leur indigence ne portait déjà que trop à toute sorte de crimes. (L.)
  4. On désignait ainsi le port des Mégariens, situé environ à deux milles de Mégare.