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Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/232

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condition pour que quelque chose puisse posséder des perfections ou des imperfections, mais qu’en soi elle n’est pas une perfection. Descartes persista à croire que nous attribuons aux choses l’existence de la même manière que nous leur attribuons des propriétés. —

Descartes a conscience que l’idée de Dieu, dont il croit avoir démontré la légitimité par les deux preuves précédentes, n’est pas l’idée populaire. La plupart des hommes ne considèrent pas Dieu comme l’Être sublime et infini, comme l’unique créateur de toutes choses ; ils se représentent par ce terme de Dieu un être fini, qui peut être vénéré par les hommes. Il n’est plus étonnant qu’il se trouve des hommes pour nier l’existence d’un Dieu semblable. Descartes développe son idée de Dieu, idée supérieure en définissant Dieu la substance absolue. Dieu est une substance, veut dire que Dieu est un être qui peut exister par lui-même (per se), qu’il n’a besoin de rien autre pour exister. Descartes emploie, il est vrai, la notion de « substance » en parlant d’êtres finis (par exemple de l’âme et de la matière, ce que nous examinerons plus en détail par la suite) ; mais il déclare qu’on ne saurait l’employer dans un seul et même sens (univoce) en parlant de l’Être infini et des êtres finis. Les êtres finis dépendant tous de l’Être infini, on ne pourrait sans impropriété les appeler substances. Descartes développe notamment dans ses lettres la notion de substance au sens étroit du mot. « On ne peut, écrit-il, prouver l’existence de Dieu sans le considérer comme l’être le plus parfait de tous ; mais il ne le serait pas s’il se passait dans la nature quelque chose qui n’émanât pas de lui. La philosophie naturelle nous enseigne déjà que la moindre pensée ne peut s’élever dans l’esprit humain sans que Dieu le veuille et sans qu’il ait voulu de toute éternité qu’elle s’élevât. » C’est aussi là une des raisons pour lesquelles Descartes rejette l’atomisme : un atome serait quelque chose qui existerait par lui-même ; or il n’y a qu’un seul être, l’Être suprême, qui puisse être indépendant de tous les autres ! — Descartes s’exprime moins catégoriquement dans ses ouvrages, car à côté de la stricte définition du éoncept de substance il s’en glisse une autre, plus populaire. Au sens large du mot, substance signifie