science des lois de la matière, de l’homme et de l’État, autant que possible d’après la méthode déductive, en prenant pour base les lois générales du mouvement. Cependant l’exécution de ce plan fut empêchée pour longtemps par l’explosion de la guerre civile en Angleterre. Étant donné son tempérament, il considérait avec anxiété la lutte politique, qui grandissait avec fureur. Elle lui semblait ébranler de fond en comble toute vie publique policée. Il craignait de voir les appétits élémentaires se déchaîner avec une impétuosité indomptable, souveraine. Son expérience du monde lui avait appris que l’instinct de conservation personnelle et l’égoïsme peuvent produire le bien, mais aussi le mal, et qu’il faut une grande puissance pour faire rentrer le torrent de ces forces dans leur vrai lit. Il était ultra-conservateur pour cette raison justement qu’en théorie il était ultra-radical et qu’il remontait aux hypothèses purement élémentaires. Il est vrai que ses relations avec des cercles de la haute noblesse ont certainement beaucoup contribué à lui dicter ses sympathies politiques. Voilà pourquoi il méconnut l’importance de la Révolution d’Angleterre, bien qu’il l’ait condamnée pour des raisons d’ordre absolument naturaliste, et par conséquent diamétralement opposées à celles qui avaient rapproché les partisans des Stuarts. Pour Hobbes, le principe d’autorité était un principe dérivé ; pour ces derniers, c’était un principe absolu, divin, surnaturel : tel était le grand contraste qui apparut dès que Hobbes eut écrit sa théorie politique. Et c’est le fondement, et non les résultats de la théorie politique de Hobbes, qui lui a donné dans l’éthique et dans la politique modernes une importance durable et, dans un certain sens, unique. En 1640 il composa un ouvrage contenant les traits fondamentaux de sa théorie psychologique et de sa théorie éthico-politique. Cet ouvrage, qui circula en copies et parut plus tard en deux parties : Human Nature et De Corpore politico, a été publié depuis peu (1888) d’après les manuscrits les plus anciens et sous le titre primitif de Elements of Law par Tönnies. C’est un de ses ouvrages les plus vigoureux et les plus instructifs, qui devrait former le fond de toute étude de Hobbes. Il fut composé devant le spectacle des troubles du temps et rédigé comme une parole d’avertissement. Hobbes se croyait personnellement exposé vis-à-
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