cer à toute connaissance de l’essence des choses pour ne considérer que leurs qualités telles qu’elles peuvent être perçues à l’aide de la sensation. Et Hobbes comprend même très vivement que le fait que quelque chose peut nous apparaître et être perçu par nous, est pour le philosophe le plus remarquable de tous. « De tous les phénomènes, le plus merveilleux, c’est précisément que quelque chose se présente comme phénomène (id ipsum τὸ φαίνεσθαι) ; si donc les phénomènes sont les principes de la connaissance en général, la sensation est le principe de la connaissance de ces mêmes principes ; toute science dérive de la sensation, et nous ne pouvons en découvrir les causes propres qu’en commençant par elle » (De corp., cap. 28, 1). Il assigne ici la conscience sensible pour point de départ initial à toute connaissance. C’est là une parole qui rappelle le « Cogito, ergo sum » de Descartes. Se basant là-dessus, Tönnies et Natorp ont contesté qu’il faille donner à la philosophie de Hobbes le nom de matérialisme. Hobbes ne peut être appelé matérialiste qu’autant qu’il procède avec une rigoureuse déduction en partant de ses postulats ou définitions originales. Son matérialisme disparaît partout où il interrompt son procédé strictement déductif, qui prétend tout dériver du seul principe : « changement est mouvement ». Hobbes a sûrement voulu faire une dérivation de ce genre, bien qu’il soit également sûr qu’il ne puisse l’accomplir et qu’il reconnaisse son impuissance. Aussi, qu’on le nomme matérialiste ou non, c’est se disputer pour des mots. Edv. Larsen conçoit ainsi la question (dans sa Monographie de Hobbes, Copenhague, 1891, p. 186) : Hobbes ne serait matérialiste que dans la théorie de la méthode, car notre connaissance ne peut selon lui expliquer que le mouvement ; mais il n’essaie pas de donner une métaphysique matérialiste. — Ce faisant, on attribue, à mon avis, à Hobbes une distinction entre la méthode et le système qu’il ne connaît pas. Il est bien trop dogmatique pour faire cette distinction. Il compte que les choses sont comme elles doivent être conformément à nos définitions. C’est un matérialiste dans le même sens que Descartes est un spiritualiste. Le point de vue auquel ils se placent les implique tous les deux dans des contradictions, mais ils n’en avaient pas conscience.
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