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Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/301

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veut supprimer les petits centres de gravité, afin que tous les éléments puissent se mouvoir dans des voies naturelles. L’autorité absolue est fondée elle-même sur la raison. Hobbes tourne la libre discussion à son profit. Il espérait que son Leviathan « tomberait dans les mains d’un prince qui l’approfondirait lui-même sans le secours d’un commentateur intéressé et envieux et qui emploierait ensuite son pouvoir souverain à patroner la propagation de la doctrine contenue dans son livre, afin que la vérité théorique pût passer à l’utilité pratique »54. Mais il ne compte pas seulement sur le progrès des princes ; il croit au progrès du peuple. En ce qui concerne la hiérarchie, il compte sur la jalousie du pouvoir politique et aussi sur le développement et l’esprit critique de plus en plus grand du peuple : Paulatim eruditur vulgus ! (De homine, XV, 13). On découvrira tôt ou tard la contradiction qui se développe d’elle-même entre les préceptes de la doctrine ou entre la doctrine et la conduite de celui qui la proclame. Ici s’ouvre un vaste horizon, plus vaste même que celui qui s’offrait à l’imagination des héros de la philosophie des lumières du XVIIIe siècle ; car Voltaire et Diderot se refusaient catégoriquement à admettre l’idée d’éclairer le vulgaire. Et ce vaste horizon n’est pas une inconséquence pour qui approfondit les hypothèses de Hobbes. Car le « contrat » par lequel les individus renoncent à leur propre volonté, ne doit pas faire réellement disparaître celle-ci ; il ne fait que l’englober dans un ensemble supérieur. Ce qu’on regrette de ne pas trouver chez Hobbes, ce sont les moyens de montrer comment la volonté isolée peut subir une métamorphose, quand elle est ainsi fondue dans un ensemble plus grand. Mais par son premier et son dernier mot Hobbes dépasse l’imperfection de sa propre doctrine, imperfection compensée par la vigueur naturelle et la sagacité dans la façon de fonder et d’édifier la doctrine.

g) Tendances opposées de la philosophie anglaise.

L’histoire de la philosophie anglaise du xviie siècle ne se termine pas avec Bacon, Herbert de Cherbury et Thomas Hobbes et avec la tendance qu’ils caractérisent. Outre cette tendance, qui se fonde sur les données de la nature extérieure ou intérieure,