nettement l’une de l’autre56. Cette même tendance, dont la marque est une étroite alliance de la philosophie platonicienne avec la théologie chrétienne, ressort sous une forme plus systématique chez Ralph Cudworth (mort en 1688) et chez Henry More (mort en 1687) qui étaient tous deux professeurs à l’Université de Cambridge. Alors que pour Bacon et pour Hobbes, l’essentiel était que la vérité se fasse jour dans le monde et naisse à force de recherches dans la conscience de l’homme, ceux-ci retournaient à la doctrine platonicienne de la vérité éternelle : celle-ci n’a pas besoin de naître et la conscience de l’homme n’a qu’à s’ouvrir pour y participer. Cette tendance se tourna aussi bien contre le Puritanisme, qui était hostile à la pensée philosophique, que contre Hobbes (More aussi contre Spinoza), qui regardait la philosophie comme le contre-pied de la théologie. Il est caractéristique que Henri More ait été porté aux études philosophiques pour avoir douté de la vérité du Calvinisme. Il avait été élevé dans un calvinisme austère, et la force dont il fit preuve en sortant grâce à l’énergie de sa pensée de la doctrine qui lui avait été inculquée, était à ses yeux un témoignage de l’indépendance de la pensée vis-à-vis de toute chose extérieure, indépendance qu’il fit ensuite valoir non seulement contre l’étroite théologie puritaine, mais aussi contre la tendance réaliste de Bacon et de Hobbes. More fut en contact avec Descartes et adopta plusieurs de ses idées, excepté la séparation tranchée de l’esprit et de la matière ; pour lui le spirituel était étendu, tout en n’étant pas objet du toucher. Dans son ouvrage De anima (Rotterdam, 1677, cap. I), il définit l’esprit une substance qui peut être pénétrée, mais non divisée (substantia penetrabilis et indiscerpibilis), tandis que le corps est une substance qui peut être divisée, mais non pénétrée (substantia im penetrabilis et discerpibilis). Il concilie ainsi Hobbes et Descartes et croit avoir réfuté l’objection que fait Hobbes au spiritualisme, à savoir que nous ne pouvons nous faire une idée d’une substance immatérielle. L’étendue doit être commune aux deux sortes de substance, et More fait même un pas de plus en considérant, ainsi que plusieurs philosophes de la Renaissance, l’espace comme un attribut divin : cela résulte de l’omniprésence de Dieu, que Dieu possède l’étendue. La seule différence entre
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