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psycho-physique qui est exprimée par sa doctrine des attributs. Quand il prétend que : « l’ordre et la liaison des idées sont les mêmes que l’ordre et la liaison des choses » (Éth., II, 7), cette phrase est ambigüe, car on peut la comprendre aussi bien au point de vue de la théorie de la connaissance qu’au point de vue psycho-physique. Spinoza lui-même la comprit d’abord au point de vue de la théorie de la connaissance. C’est ce qu’on peut voir par cet exemple : à mon idée du cercle correspond le cercle existant dans la nature (Éth., II, 7, Schol.). Psychologiquement parlant, il aurait dû dire : à mon idée du cercle correspond l’état où se trouve mon cerveau quand j’ai cette idée. Mais quand Spinoza prétend immédiatement après que les phénomènes spirituels doivent être expliqués par des phénomènes spirituels, les phénomènes matériels par des phénomènes matériels, il aborde ici un tout autre problème. Dans le troisième livre de l’Éthique, où le point de vue est psychologique et n’a pas trait à la théorie de la connaissance, il applique la théorie des attributs au point de vue purement psycho-physique. — Cette confusion tient à ce que chez Spinoza le problème de la connaissance ne se présente pas comme un problème absolument indépendant. Ce n’est que dans une revision critique de notre connaissance — concernant sa faculté de connaître le côté tant spirituel que matériel de l’existence — que la différence des deux problèmes ressort clairement62.

Il existe pour Spinoza une relation intime (une relation immanente) entre la substance (Dieu ou la nature) et les phénomènes individuels ; de même les grandes formes et les propriétés fondamentales que présente l’existence doivent être pour lui des attributs de la Substance. En conséquence, Spinoza déclarait par une logique hardie que la matière ou étendue était un attribut divin. D’après la conception théologique courante la matière n’est qu’une chose dérivée, une production de l’esprit. Pas plus que Bruno et que Böhme, Spinoza ne pouvait acquiescer à cette conception qui répugne en particulier à sa pensée fondamentale de la forme immanente de la causalité. Dans la théorie de la matière de Spinoza considérée comme attribut il faut bien se dire qu’il entend ici par matière l’élément substantiel des phénomènes matériels, ce qui en eux