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Dans la natura naturata Spinoza distingue les modes nécessaires et éternels, qui découlent directement de la nature éternelle de Dieu, des modes finis, qui ont besoin d’autres modes pour naître. Dans l’attribut de l’étendue, il indique comme modes infinis le mouvement et le repos ; il semble penser ici surtout à la conservation du mouvement, ou à la loi d’après laquelle le même rapport entre mouvement et repos subsiste sous toutes les modifications de la matière — loi qui montre que chaque corps individuel n’est qu’une partie de l’univers entier. Dans l’attribut de la pensée, il nomme « l’entendement infini » (intellectus infinitus) ou l’ « idée de Dieu » (idea dei), qui est un effet direct de la divine puissance infinie de pensée, et qui — étant posée par analogie avec la constance du mouvement — doit sans doute signifier l’énergie spirituelle qui reste toujours la même dans le monde, malgré tous les changements des divers phénomènes spirituels. — Ici encore nous voyons que Spinoza parle d’êtres là où nous ne parlerions pour le moment que de lois.

ε. Pour caractériser davantage le système ici exposé, bornons-nous à indiquer encore une série de problèmes et de difficultés soulevés par le système. — Il est question de Dieu ou de la substance comme d’une cause efficiente, bien que la forme temporelle ne doive se dire que des modes, de la natura naturata, et non de la substance, de la natura naturans. Cela tient à la confusion indiquée de raison et de cause. — Il existe deux rapports de causalité : l’un entre les modes, rapport extérieur, transcendant, et l’autre entre la substance et les modes, rapport immanent. Comment concilier ces deux rapports de causalité ? — L’unité de la substance et la multiplicité des attributs et des modes ne sont pas mis en harmonie ; il n’est pas répondu à la question de savoir comment la substance une peut se présenter sous des points de vue différents, ou comment de la substance unique peut découler une infinité d’effets. — Et quand chez Spinoza les concepts de substance, de nature et de Dieu coïncident, il introduit par le mot de « Dieu » une détermination qualitative qui n’est fondée que parce que la perfection est définie par lui réalité ; il n’examine pas davantage si cette définition peut se soutenir et en un autre point de son exposé —