Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/341

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diverses sortes de combinaisons et de mélanges notre esprit peut prendre des formes extrêmement différentes des formes élémentaires du début. Il a formulé les conditions du développement des sentiments. — Jusqu’à quel point on peut s’en tenir exclusivement au point de départ qu’il a pris, la tendance individuelle à se conserver, c’est une question qui ne se discute pas ici.

f) Éthique et politique.

Il est caractéristique de Spinoza que sa pensée a un mobile pratique, et que néanmoins elle s’élève bien au-dessus du monde fini de l’expérience, le seul où les mobiles pratiques et la tendance pratique sont possibles. Spinoza proteste contre la légitimité de toute appréciation qualitative de la nature ; celle-ci suit ses lois éternelles, et nos jugements éthiques qui reposent sur une comparaison du plus parfait avec le moins parfait, d’après l’idéal établi par nous de la vie humaine, ne peuvent s’appliquer à l’être éternel de la nature, pour lequel le temps, la mesure et le nombre n’existent pas. Spinoza insiste sur la subjectivité des qualités éthiques avec la même énergie qu’on inculquait la subjectivité des qualités sensibles depuis Galilée. Par cela même que Spinoza persévère dans sa conception de l’existence « sous le point de vue de l’éternité » il ne peut avoir d’éthique réelle et n’en a non plus besoin. Il ne peut être question d’éthique que dans un monde où le rapport de temps est valable, où il y a naissance et développement, changement et contraste, et où se forment des modèles et se fixent des buts. Spinoza l’a justement exprimé : « Les jugements du bien et du mal reposent sur une comparaison ! »Mais dans l’unité éternelle de la divine et infinie nature avec elle-même disparaît toute comparaison, parce que toute différence et tout contraste ont disparu. L’examen de la théorie de la connaissance de Spinoza nous a montré que toutes les énigmes disparaissent « sous le point de vue de l’éternité » ; nous voyons maintenant que tous les devoirs disparaissent aussi.

Mais de même que Spinoza distingue entre la natura naturans et la natura naturata, de même il distingue également entre le point de vue purement théorique et le point de vue pratique. Le