Dutens, III, p. 255) ; la cause et l’effet doivent toujours se correspondre, doivent être équivalents. S’il y avait plus dans l’effet que dans la cause, nous obtiendrions un perpetuum mobile ; s’il y avait moins dans l’effet que dans la cause, la même cause ne pourrait jamais se reproduire ; la nature reculerait continuellement, la perfection irait en diminuant. Des deux façons, ce serait contraire à la sagesse et à l’immutabilité divines. S’il y a équivalence dans la nature entre la cause et l’effet, en excluant les deux autres possibilités, cela ne se peut fonder pour Leibniz par les mathématiques ou par la mécanique pure, il faut l’expliquer téléologiquement.
La loi suivant laquelle les êtres individuels particuliers, qui sont les vraies réalités, développent leurs états changeants, est pour Leibniz une loi suivant laquelle ils passent à des états non seulement nouveaux, mais plus parfaits. Le rapport de cause à effet est donc identique ici au rapport de moyen à fin. En dernière analyse, l’existence est organisée de telle sorte que les lois purement mécaniques agissent dans le sens exigé par les lois de la justice et de l’amour. Les deux sortes de lois sont réunies à l’égard de l’individu dans la loi immanente à l’essence propre à tout individu (lex insita). — Comme on le voit, Leibniz est tellement pénétré de la loi de la conservation de l’énergie qu’il ne voit pas que téléologiquement il n’importe pas le moins du monde que la même quantité d’énergie soit conservée, mais bien qu’elle soit conservée sous une forme favorable et utile au maintien et au développement de la vie. C’est là encore une considération dont le sens n’est devenu évident qu’après des examens récents. — Bien que Leibniz fonde ainsi téléologiquement l’ordre mécanique de la nature, ce n’est pas son idée de vouloir réintroduire les causes finales et de permettre d’expliquer les phénomènes naturels en invoquant les forces internes ou la finalité. Dans le détail il faut procéder selon la méthode rigoureusement mécanique ; le mécanisme dans son ensemble, ou plutôt les premiers principes du mécanisme seuls ne peuvent s’expliquer que par la conception téléologique. L’enchaînement mécanique de la nature est le fait dont part toute la philosophie de Leibniz, tout comme celle de Hobbes et de Spinoza. —