avons de petites sensations et sans cesse elles mettent en jeu notre activité. Jamais nous ne sommes absolument indifférents ; dire que nous sommes indifférents, c’est seulement exprimer notre inattention pour les petites différences. Involontairement nous nous tournons à droite ou à gauche, même quand nous n’avons pas de raison extérieure de choisir. Notre nature travaille sans cesse en nous « à se mettre mieux à son aise ». Continuellement se fait sentir une certaine inquiétude, un manque de satisfaction entière, qui nous pousse en avant, un aiguillon que d’ordinaire nous remarquons seulement quand l’inquiétude s’élève jusqu’à la douleur. Toujours il y a de petits obstacles à vaincre, et toujours on réclame de nous une dépense de force. Sans cette inquiétude, sans ces obstacles minimes, pas de plaisir possible ; et même l’aiguillon caché reste dans la joie dont il accroît la puissance, en sorte qu’un progrès continu devient possible. Ces petites perceptions permettent seules de saisir clairement l’enchaînement des différentes périodes de la vie d’un seul et même individu ; car les états clairement conscients se trouvent souvent en contradiction. Ils expliquent en même temps la diversité et l’enchaînement entre les états d’un seul et même individu, ils expliquent encore la diversité aussi bien que l’enchaînement des différents individus. Alors même qu’on appellerait l’âme au début une table rase, il faut accorder néanmoins que deux tables ne sont jamais de nature absolument identique. Si l’on considère les petites nuances et les petites différences, dans toute la nature on ne trouvera jamais deux êtres absolument pareils. Il n’y a pas deux feuilles qui soient semblables entre elles, à plus forte raison deux hommes. Ici encore l’idée d’identité ne tient qu’à notre ignorance. Mais dans les perceptions obscures, dont l’individu n’a pas conscience, le reste de l’existence se révèle à lui et le détermine sans qu’il en sache rien. Au moyen de ces sensations il est rattaché au reste de l’existence. Cette liaison ne cesse pas même dans le sommeil. Entre le sommeil et la veille il n’y a qu’une différence de degré : le détournement de l’attention est un sommeil partiel.
Leibniz a rendu de grands services à la psychologie en