Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/390

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suprêmes, les lois de la morale et du droit proviennent en dernier ressort de la pensée divine et sont maintenues par la volonté divine. Dans l’amour désintéressé, la recherche du bonheur personnel va de pair avec la recherche du bonheur d’autrui. Mais cet amour ne se trouve que dans les âmes bien nées. Si l’on ne suppose une récompense et un châtiment divins dans la vie future, on ne peut prouver que ce qui est bon moralement et le plus utile soient toujours la même chose. Voilà pourquoi la religion naturelle est nécessaire comme garantie de la morale. En même temps elle donne le point de vue le plus élevé de la morale humaine et de la doctrine du droit, en élargissant la pensée jusqu’à la loi divine qui règne dans l’existence tout entière.

Dans la philosophie du droit de Leibniz comme dans tout son système, l’idée fondamentale se fait jour d’une harmonie entre les êtres individuels. C’était la pensée qui guidait son investigation dans tous les domaines, et qu’il laissait au siècle nouveau, pour lequel son système est typique à tant de points de vue.

7. — Christian Wolff

Ce que Leibniz avait exprimé dans des lettres et dans des traités, accessibles et compréhensibles au petit nombre seulement, Wolff le développa amplement, platement, systématiquement dans de gros in-folios. Il exerça une influence considérable en répandant dans le grand public des pensées rationnelles et en faisant valoir le « principe de raison suffisante » dans tous les domaines. Leibniz écrivait la plupart du temps en français ou en latin (bien qu’il ait eu un moment l’intention d’écrire sa Théodicée en allemand, à cause précisément de la « virginité » philosophique de cette langue) ; Wolff se servait de la langue allemande et créa en partie la terminologie philosophique allemande. Le Wolffianisme populaire fut une partie essentielle de l’émancipation intellectuelle de l’Allemagne au xviiie siècle. Grâce à Wolff, toute une série de pensées des grands systèmes du xviie siècle trouvèrent accès auprès du public lettré. Un autre ordre de pensées vint, ainsi que la chapitre suivant le montrera, d’Angleterre au moyen du mouvement créé par John Locke.