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Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/419

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vrir ce qui produit du bonheur dans un cas particulier. C’est le Maître du monde qui dispose du bonheur. Mais nous sommes ainsi faits, que, faisant abstraction complète du résultat, nous condamnons la fausseté, la violence et l’injustice, et qu’au contraire nous approuvons l’amour et la bienveillance. Mais le principe du bonheur posé par Hutcheson ne s’applique pas ici ; Butler n’envisage que le côté interne, subjectif de l’éthique. À Shaftesbury il reproche notamment de n’avoir pas mis en relief dans sa théorie l’autorité de la conscience, du sentiment moral interne, sur tous les éléments et tous les mouvements de l’âme. La conscience est d’une nature supérieure à toutes les autres facultés. Elle est destinée à dominer le monde. Butler démontre au moyen d’une analyse psychologique subtile qu’une satisfaction immédiate comme celle procurée par le sentiment moral diffère du plaisir atteint par le calcul égoïste : dans les instincts immédiats nous ne nous prenons pas nous-mêmes pour fins conscientes ; l’égoïsme proprement dit suppose au contraire qu’on a l’expérience des plaisirs acquis par le dévouement immédiat et qu’on les prend pour fins ; mais cette réflexion et ce calcul ont justement pour effet d’empêcher d’atteindre la satisfaction complète.

Bien que l’observation des commandements de la conscience implique d’après Butler une satisfaction immédiate, il a la vue si nette des antinomies de la nature humaine qu’il ne peut se contenter de la joie qu’a Shaftesbury à constater l’harmonie de notre nature intérieure. Si nous n’avions pas la garantie formelle, de trouver finalement dans le bien et dans le juste une satisfaction purement personnelle de notre instinct de bonheur, nous ne saurions nous y tenir : « Bien que la vertu ou la perfection morale consiste dans le sentiment et dans la poursuite du bien et du juste en soi, nous ne pourrons cependant, l’enthousiasme une fois disparu (when we sit down in a cool hour), justifier ni cette recherche ni aucune autre, avant d’être convaincus qu’elle servira à notre bonheur, ou qu’en tous cas elle ne lui sera pas contraire » (Sermon, XI). Shaftesbury ne tenait pas plus compte des heures « froides » que de la « froide » philosophie. Pour Butler, la perspective d’une vie future accordée par la religion peut seule en dernière instance nous aider à échapper à