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Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/512

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tive. Les côtés défavorables du caractère de Rousseau apparaissent sous forme de sentimentalité, ou encore de soupçon allant jusqu’à la folie. Un exemple peu édifiant de la façon dont le sentiment peut pousser les idées et peut former un système embrouillé, pour s’exprimer et s’expliquer, nous est fourni par un des derniers écrits de Rousseau : Rousseau juge de Jean-Jacques, où il décrit les persécutions systématiques auxquelles il se croit exposé de la part de ses anciens amis. La construction méthodique qui est ici entreprise sur la base d’un sentiment maladif se retrouve également dans ses ouvrages célèbres : sa philosophie n’est en effet, ainsi qu’il dit lui-même de sa foi religieuse, qu’une « exposition du sentiment ».

Rousseau a développé dans trois ouvrages la conception de la vie qu’il oppose au raffinement et à la corruption de la civilisation. Dans La Nouvelle-Héloïse (1761) il peint le fort et profond amour, la beauté et la dignité du mariage et de la vie de famille, la noblesse de la résignation, la ferveur de la foi religieuse, la majesté de la nature : tous objets devenus étrangers au siècle, qui lui arrachèrent des accents nouveaux pour les esprits contemporains, et marquaient un grand revirement dans la littérature poétique. Dans L’Émile (1762) il expose un système d’éducation qui loin d’opprimer la nature, en favorise le développement ; il trouve en même temps l’occasion d’exposer ses vues religieuses. Dans le Contrat social (1762) enfin il établit la théorie du régime qui doit succéder à la tyrannie sous le joug de laquelle soupire l’humanité.

Rousseau regardait son œuvre comme terminée par ces ouvrages. Mais il ne lui fut pas donné de mener la vie paisible de la nature. L’Émile fut brûlé à Paris, et l’on décréta contre Rousseau un mandat d’amener. Alors commencèrent pour lui les années malheureuses. Il s’enfuit en Suisse ; mais il n’y trouva non plus la tranquillité : les gouvernements ne voulaient pas le tolérer à Genève et à Berne, et à Neufchâtel il fut molesté par la population à cause de ses opinions religieuses. Alors il accepta l’offre que lui faisait Hume de lui donner asile en Angleterre ; mais dans l’état de souffrance où il se trouvait, il ne tarda pas à concevoir de la méfiance pour ses amis d’Angleterre, et de nouveau il s’enfuit en France, où il erra de lieu