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traits, est cependant tracée d’une main puissante et est devenue d’une grande importance historique. Désormais était établie l’existence d’une conscience religieuse ayant le sentiment de son indépendance vis-à-vis de toutes les communautés ecclésiastiques existantes et qui emploie envers elles les armes de la critique.

8. — Spéculation religieuse (Jacob Böhme)

Lord Herbert prenait tour à tour son épée et son livre, et après les négociations diplomatiques à la Cour de Paris, il rentrait dans sa chambrette pour travaille à son ouvrage « De veritate ». Mais le besoin que ressentait le siècle de produire des pensées nouvelles et de briser la rigidité des formes ecclésiastiques où le mouvement de la Réforme s’était sitôt abandonné au repos, s’exprima même chez un homme de condition plutôt peu brillante. Jacob Böhme laissa son alène et sa forme pour écrire son « Aurore au lever ». Lui aussi, il avait beaucoup vu avant de prendre la plume. Ouvrier cordonnier, il avait fait son tour d’Allemagne ; dans la suite, il s’établit à Görlitz et dans le silence de son échoppe sa pensée était aussi active que sa main. Ce n’était pas un homme dénué de toute instruction ; il se donne lui-même les noms de naturaliste et de philosophe et il avait pris connaissance des ouvrages d’astronomie. Chose extraordinaire, il est partisan de Copernic, en ce sens qu’il fait tourner la terre et la plupart des planètes autour du soleil. Il avait lu les œuvres du médecin Paracelse touchant la philosophie de la nature, probablement aussi les œuvres, répandues en copies, du mystique Valentin Weigel, où les idées de Paracelse étaient fondues avec les théories de mystiques antérieurs. C’était en outre un homme pieux, connaissant sa Bible et la doctrine de Luther. Mais il se posait à lui-même ses problèmes, les traitant avec une liberté d’esprit et une force qui de nos jours encore rendent ses écrits précieux et qui lui firent franchir les barrières dogmatiques. Bodin et Herbert passent plutôt par l’extérieur pour arriver au problème religieux ; chez Böhme il se pose au sein même des idées confessionnelles ; Böhme travaille ces idées sans relâche, jusqu’à ce que le torrent de ses pensées