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Page:Höffding - Histoire de la philosophie moderne.djvu/78

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tres termes il se sert de ses propres expériences et de ses conflits internes pour expliquer la nature et son histoire et pour comprendre la force motrice qui est au fond de toutes choses. Et lorsqu’il décrit une série de processus et de catastrophes, tout un drame universel en tableaux expressifs, loin de lui la pensée qu’en un temps, en un lieu donnés il s’est produit textuellement quelque chose de pareil, — et que cela s’est développé historiquement et successivement. Il veut décrire ce qui se passe partout et dans tous les temps, le rapport fondamental et éternel des puissances du monde, la lutte qui ne s’est pas faite une fois pour toutes, mais qui se fait sans relâche et au milieu de laquelle il se trouve. Ses déclarations en ce sens sont d’une clarté surprenante. « Ma pensée n’est pas qu’il est au ciel un lieu ou un corps particulier d’où s’élève le feu de la vie divine… je parle au contraire un langage matériel à cause de l’inintelligence du lecteur… Car tu ne saurais citer aucun lieu, ni au ciel, ni en ce monde, où ne soit la naissance divine. » — « À la vérité j’ai décrit ici la naissance, la formation et le développement de l’univers, ainsi que l’apparition de la divinité ; mais cela ne doit pas t’autoriser à penser que peut-être il y a un repos ou un anéantissement, et qu’ensuite tout renaît. Oh non, mais l’inintelligence du lecteur m’oblige à faire œuvre décousue. » « La naissance du monde apparaît aujourd’hui encore comme elle a primitivement commencé. » « Dans les qualités, (c’est-à-dire les événements divins), il n’y a ni commencement, ni milieu, ni fin ». « Tu sauras que ce j’écris ici n’est une histoire qui peut-être m’aurait été racontée par d’autres. Il me faut au contraire soutenir toujours la même bataille et souvent on m’y donne un croc-en-jambes comme à tous les hommes. » — On a donc le droit de regarder dans l’exposé des pensées de Böhme la forme mythologique comme n’étant pas absolument essentielle.

Böhme prend catégoriquement parti contre la création ex nihilo. « À la vérité, bien des auteurs ont écrit que le ciel et la terre étaient sortis du néant ; mais je suis surpris que, parmi tant d’hommes excellents, il ne s’en soit pas trouvé un seul pour décrire la vraie raison, étant donné que le même Dieu qui est maintenant a été de toute éternité. Où il n’y a rien, ne