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Page:Hœfer - Histoire de la chimie, volume 1, 1866.djvu/55

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PREMIÈRE ÉPOQUE

inventa le tamis, ou un instrument analogue, propre à séparer l’enveloppe de la graine, le son de la farine. C’était déjà un raffinement. L’opération du blutage devait être d’abord très-imparfaite ; car le pain qu’on a trouvé dans les momies d’Égypte contient du blé grossièrement moulu, ce qui lui donne l’apparence du pumpernickel des Hollandais (1[1]). Cependant Pline nous apprend (2[2]) que les Egyptiens connaissaient le tamis, et qu’ils le fabriquaient avec des filaments de papyrus et des joncs très-minces. Les anciens habitants de l’Espagne faisaient des tamis en fil, et les Gaulois sont les premiers qui aient eu l’adresse d’y employer le crin des chevaux (3[3]).

Il se passa sans doute bien des siècles avant d’arriver à faire fermenter la pâte, et à lui appliquer le degré de cuisson convenable dans des fours appropriés. La fermentation avant la cuisson dénote déjà un certain perfectionnement dans l’art de la panification. Le pain, לֶחֶם {lekhem), qu’Abraham servit aux trois anges qui lui apparurent dans la vallée de Mambré, avait été fait avec de la pâle non fermentée ; c’était une espèce de biscuit de mer. Il fut de bonne heure interdit de faire fermenter la pâte du pain qui devait servir aux cérémonies religieuses. Pourquoi ? Parce que la fermentation, qui est une espèce particulière de putréfaction, était regardée comme l’acte d’un mauvais génie.

Dès l’époque de Moyse on connaissait l’usage du levain et du pain fermenté. Ce législateur, en prescrivant aux Hébreux la manière dont ils devaient manger l’agneau pascal, leur défendait expressément de manger du pain fermenté (חָמֵץ) (4[4]). Nous lisons dans l’Exode que les Israélites, lors de leur sortie d’Egypte, mangèrent du pain sans levain et cuit sous la cendre : les Egyptiens les avaient si fort pressés de partir, qu’ils ne leur avaient pas laissé le temps de mettre le levain dans la pâte (5[5]).

Les Juifs mangent encore aujourd’hui du pain azyme (non fermenté), en souvenir de la sortie de leurs ancêtres de la terre de Mizraïm.

En général, les anciens ne préparaient leur pâte qu’au moment où ils voulaient s’en servir ; ils la faisaient immédiatement cuire

  1. On voit des morceaux de ce pain au Musée égyptien du Louvre.
  2. Hist. nat. lib. ), 11.
  3. Plin. ibid.
  4. Exode, XII, 65 ; XIII, 3.
  5. Exode, XII, 39.