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Page:H G Wells La guerre des mondes 1906.djvu/131

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Quand une heure plus tard, un Marsien apparut par delà la Tour de l’Horloge et disparut en aval, il ne flottait plus que des épaves depuis Limehouse.

J’aurai à parler plus tard de la chute du cinquième cylindre. Le sixième tomba à Wimbledon. Mon frère, qui veillait auprès des femmes endormies dans la chaise au milieu d’une prairie, vit sa traînée verte dans le lointain, au delà des collines. Le mardi, la petite troupe, toujours décidée à aller s’embarquer quelque part, se dirigea, à travers la contrée fourmillante, vers Colchester, Le nouvelle fut confirmée que les Marsiens étaient maintenant en possession de tout Londres : on les avait vus à Highgate et même, disait-on, à Neasdon. Mais mon frère ne les aperçut pour la première fois que le lendemain.

Ce jour-là, les multitudes dispersées commencèrent à sentir le besoin urgent de provisions. À mesure que la faim augmentait, les droits de la propriété étaient de moins en moins respectés. Les fermiers défendaient, les armes à la main, leurs étables, leurs greniers et leurs moissons. Beaucoup de gens maintenant, comme mon frère, se tournaient vers l’est, et même quelques âmes désespérées s’en retournaient vers Londres, avec l’idée d’y trouver de la nourriture. Ces derniers étaient surtout des gens des banlieues du nord qui ne connaissaient que par ouï-dire les effets de la Fumée Noire. Mon frère apprit que la moitié des membres du gouvernement s’étaient réunis à Birmingham et que d’énormes quantités de violents explosifs étaient rassemblées, pour établir des mines automatiques dans les comtés du Midland.

On lui dit aussi que la compagnie du Midland-Railway avait suppléé au personnel qui l’avait quittée le premier jour de la panique, qu’elle avait repris le service et que des trains partaient de St Albans vers le nord, pour dégager l’encombrement des environs de Londres. On afficha aussi, dans Chipping-Ongar, un avis annonçant que d’immenses magasins de farine se trouvaient en réserve dans les villes du nord et qu’avant vingt-quatre heures on distribuerait du pain aux gens affamés des environs. Mais cette nouvelle ne le détourna pas du plan de salut qu’il avait formé et tous trois continuèrent pendant toute cette journée leur route vers l’est. Ils ne virent de la distribution de pain que cette promesse ; d’ailleurs, à vrai dire, personne n’en vit plus qu’eux. Cette nuit-là, le septième météore tomba sur Primrose Hill. Miss Elphinstone veillait — ce qu’elle faisait alternativement avec mon frère — et c’est elle qui vit sa chute.

Le mercredi, les trois fugitifs, qui avaient passé la nuit dans un champ de blé encore vert, arrivèrent à Chelmsford et là un groupe d’habitants, s’intitulant : le Comité d’approvisionnement public, s’empara du poney comme provision et ne voulut rien donner en échange, sinon la promesse d’en avoir un morceau le lendemain. Le bruit courait que les Marsiens étaient à Epping, et l’on parlait aussi de la