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Page:H G Wells La guerre des mondes 1906.djvu/152

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XIX

DANS LA MAISON EN RUINES

Après avoir mangé, nous regagnâmes la laverie, et je dus alors m’assoupir de nouveau, car, m’éveillant tout à coup, je me trouvai seuL Les secousses régulières continuaient avec une persistance pénible. J’appelai plusieurs fois le vicaire à voix basse et me dirigeai à la fin du côté de la cuisine. Il faisait encore jour et je l’aperçus à l’autre bout de la pièce contre la brèche triangulaire qui donnait vue sur les Marsiens. Ses épaules étaient courbées, de sorte que je ne pouvais voir sa tête.

J’entendais des bruits assez semblables à ceux de machines d’usines, et tout était ébranlé par les vibrations cadencées. À travers l’ouverture du mur, je pouvais voir la cime d’un arbre teintée d’or, et le bleu profond du ciel crépusculaire et tranquille. Pendant une minute ou deux, je restai là, regardant le vicaire, puis j’avançai pas à pas et avec d’extrêmes précautions au milieu des débris de vaisselle qui encombraient le plancher.

Je touchai la jambe du vicaire et il tressaillit si violemment qu’un fragment de la muraille se détacha et tomba au dehors avec fracas. Je lui saisis le bras, craignant qu’il ne se mît à crier, et pendant un long moment nous demeurâmes terrés là, immobiles. Puis je me retournai pour voir ce qui restait de notre rempart. Le plâtre, en se détachant, avait ouvert une fente verticale dans les décombres et, me soulevant avec précaution contre une poutre, je pouvais voir par cette brèche