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Page:H G Wells La guerre des mondes 1906.djvu/222

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l’Angleterre, qu’un seul carillon. Des hommes à bicyclette, maigres et débraillés, s’essoufflaient sur toutes les routes, criant partout la délivrance inattendue aux gens désemparés, rôdant à l’aventure, la face décharnée et les yeux effarés. Et les vivres ! par la Manche, par la mer d’Islande, par l’Atlantique, le blé, le pain, la viande accouraient à notre aide. Tous les vaisseaux du monde semblaient alors se diriger vers Londres. Mais de tout cela je n’ai gardé le moindre souvenir. J’errais par la ville — en proie à un accès de démence et, revenant à la raison, je me trouvai chez des braves gens qui m’avaient recueilli, alors que, depuis trois jours, je vagabondais, pleurant de rage, à travers les rues de Saint John’s Wood. Ils me racontèrent par la suite que je chantais une sorte de complainte, des phrases incohérentes, telles que : « Le dernier homme vivant ! Hurrah ! Le dernier homme en vie. » Préoccupés comme ils devaient l’être de leurs propres affaires, ces gens, dont je ne saurais même donner ici le nom, malgré mon vif désir de leur exprimer ma reconnaissance, ces gens s’encombrèrent néanmoins de moi, me donnèrent asile et me protégèrent contre ma propre fureur. Apparemment, j’avais dû, pendant ce laps de temps, leur conter des bribes de mon histoire.

Quand mon égarement eut cessé, ils m’annoncèrent, avec beaucoup de ménagements, ce qu’ils avaient appris du sort de Leatherhead. Deux jours après mon emprisonnement, la ville, avec tous ses habitants, avait été détruite par un Marsien, qui l’avait saccagée de fond en comble, semblait-il, sans aucune provocation, comme un gamin bouleverserait une fourmilière, pour le simple caprice de faire étalage de sa force.