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Page:Haeckel - Religion et Évolution, trad. Bos, 1907.djvu/53

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son entourage influent, se laisse envelopper de plus en plus dans les filets du clergé romain et en lui abandonnant l’école, lui sacrifie déjà la raison de la génération qui grandit. En septembre 1904, les journaux romains annonçaient triomphalement que la conversion de l’empereur et de son chancelier (protestants tous deux) à la confession catholique était chose imminente[1].

La force de la croyance aux doctrines de l’Église, qui, dans les milieux protestants orthodoxes, aussi bien que chez les catholiques, entrave le progrès vers une conception rationnelle de l’Univers, est souvent admirée comme une expression de la profonde « sentimentalité » allemande. À vrai dire, la véritable cause de cette croyance est la paresse de pensée et la crédulité du peuple allemand, la puissance chez lui de la tradition conservatrice et l’état arriéré du développement politique. Tandis que nos écoles sont courbées sous le joug de la confession, elles en sont affranchies dans les pays avoisinants. En France, la plus pieuse fille de l’Église catholique se retourne contre une mère avide de domination ; elle rompt les chaînes de son concordat et entreprend la réforme. En Allemagne, patrie de la Réforme, le Reichstag et le Gouvernement s’efforcent, avec un noble zèle, d’aplanir le chemin aux Jésuites, d’entretenir l’esprit intolérant des écoles confessionnelles, au lieu de le réprimer. Espérons que la direction nouvelle de l’histoire de la théorie évolutionniste, son admission dans la science jésuitique aboutiront à l’inverse de ce que celle-ci s’efforce d’atteindre : à la suppression de la foi aveugle dans les doctrines de l’Église au profit de la science rationnelle.


  1. L’empereur et le pape. — Pendant que je parcours les épreuves de ces conférences, les journaux rapportent le bruit d’une nouvelle défaite de la dignité impériale allemande, qui ne peut que remplir d’un chagrin profond le cœur de tout ami sincère de la patrie. Le 9 mai de cette année, la nation allemande a célébré le centième anniversaire de la mort du plus populaire de nos poètes, Fr. Schiller. Avec une rare entente, tous les partis politiques de l’Allemagne et toutes les sociétés allemandes dispersées à l’étranger se sont trouvés d’accord pour exprimer leur culte à l’égard du grand poète de l’idéalisme allemand. À Strasbourg, le professeur Th. Ziegler fit un remarquable discours dans la grande salle de l’Université. L’empereur, présent à Strasbourg, fut invité, mais ne parut pas ; au lieu de cela, il passa, à côté de la ville, une brillante revue militaire. Quelques jours après, il s’asseyait à la même table que des cardinaux romains et des évêques allemands, parmi lesquels l’évêque Benzler, de triste renom, celui qui déclara un jour que la terre d’un cimetière chrétien était profanée par la sépulture d’un protestant. Dans les fêtes de ce genre, les catholiques allemands ont coutume de porter le premier toast au pape, le second à l’empereur ; ils jubilent aujourd’hui de ce que le pape et l’empereur soient étroitement alliés. L’histoire tout entière du papisme romain (caricature misérable de l’ancienne religion catholique !) nous apprend, cependant, clairement que tous deux, par nature, sont et doivent rester ennemis irréconciliables ! Ou bien, c’est l’empereur qui règne, ou bien, c’est le pape !